Pour une Agriculture de Développement au Congo : Stratégies et Volonté Politique

Légende:

= Interdépendances entre les différents départements
= Rôle moteur des provinces
= La hiérarchie

Le modèle ci-haut (i.e. Fig.3) repose sur la vision selon laquelle:

A. Chacune des provinces du Congo, classées ici de 1 à 11, dispose d'innombrables potentialités agricoles;

B. Pour permettre à chacune d'entre elles d'optimiser leur exploitation et/ou mise en valeur, chaque SDAI doit entreprendre des activités spécifiques;

C. De manière non exhaustive, ce modèle retient six principales activités regroupées en Département de Ressource Humaine, Département de Finances, Département de la Logistique, Département d'Audit, Département de Consulting, et Département de la Production;

D. Chacun de ces Départements aura des tâches et/ou rôles spécifiques à accomplir;

E. Le Département de la Production se chargera, quant à lui, de la gestion des différents projets agricoles susceptibles d'être développés au sein de chaque province.

F. L'un de ces projets se spécialisera à la transformation et à la conserverie. Il sera ici question de, par exemple, traiter et conserver nos bananes, ananas, oranges, mangues, papayes, goyaves, noix de coco, tomates, avocats, safous, feuilles de manioc, épinards, etc., dans des boites, bouteilles, et/ou sachets spécifiques. Si le Ghana, le Nigeria, la Thaïlande exportent le foufou, l'huile de palme, les bananes plantains, les feuilles de manioc, la chikwangue, les ignames... aux Etats-Unis d'Amérique, pourquoi pas le grand Congo?

G. Un autre projets devrait consister à donner une valeur-ajoutée à nos produits vivriers, en les transformant en d'autres produits utiles (jus, shampoo, savon, lait de beauté, vitamines, etc.). Tout un département de Chimie-Alimentaire et de Bio-Technologie devrait s'atteler.

H. Constamment en interaction entre eux, ces différents Départements exploiteront les différentes ressources agricoles de la province sur base du schéma Eastonien: Inputs-Conversion- outputs, feedback, etc.
2.3. Pour éviter les conflits dus au dédoublement fonctionnel, les actuelles Divisions Régionales de l'Agriculture, des Travaux Publics et Aménagement du territoire, et celle de l'Environnement et Conservation de la Nature, par exemple, seront incorporées au sein du SDAI. Cette incorporation permettra d'assurer une meilleure coordination des activités en évitant le double emploi, les lutes d'influences, la dispersion d'efforts, et en un mot: Le mis-management des ressources agricoles de la province.

2.4. Pour mettre fin au mis-management et/ou détournement des crédits que le Ministère de l'Agriculture et autres institutions financières accordent chaque année aux privés (i.e. politiciens, religieux, et autres opérateurs économiques) pour l'entretien des routes de desserte agricole; Ces institutions devraient désormais verser prioritairement ces crédits aux différents Départements chargés de la logistique au sein des SDAI. Celles-ci les utiliseront sous l'śil vigilant de leurs départements d'audits.

2.5. Pour faire bénéficier toute la Nation des fruits de chaque SDAI, le gouvernement congolais devra s'occuper de l'élaboration d'un plan national de désenclavement et connections par voie ferrée et routière toutes les provinces du Congo. Bon nombre de projets de coopérations bilatérales et multilatérales avec les pays frères et amis du Congo devraient être orientés dans ce sens.

2.6 . Tenant compte du fait que le Congo demeure encore une jeune nation en quête de son indépendance économique, et ou la plu part des besoins de sa population ont un caractère prioritaire, le gouvernement congolais devra, dans la répartition des dépenses en capitales, faire de la notion « priorité des priorités », une « notion rotative ». Ceci lui permettra, en un exercice budgétaire donné, de focaliser son attention, énergie, talent, et ses ressources sur un secteur bien précis, et par ce fait, allouer à ce secteur toute la logistique nécessaire.

Conclusion
L'analyse critique des différentes stratégies agricoles en vigueur au Congo renseigne que celles-ci sont inappropriées et moins efficaces. Bien plus, le mis-managment et la sous-exploitation d'innombrables potentialités agricoles dont dispose le Congo est un fait réel et non une opinion.

Les propositions avancées ici pour y faire face notamment, la création d'une SDAI dans chaque province du Congo, doivent être considérées comme une nouvelle stratégie agricole. Une stratégie capable de responsabiliser davantage le gouvernement congolais pour optimiser l'exploitation rationnelle d'innombrables potentialités agricoles dont le Congo regorge. Ainsi, faire de Congo-Kinshasa un réel «Super Market» pour l'Afrique; Un véritable «Paradis Agricole» pour toute l'Afrique.

La vision de faire de Congo-Kinshasa le «Super Market» Africain est facile à matérialiser d'autant plus que; Contrairement à la plu part des pays de l'Amérique Latine ou la question de la reforme agraire se pose avec acuité (8); Ou aux pays du Sahel ou les conditions climatiques sont un réel handicap pour le développement de leurs secteurs agricoles; La RDCongo, elle, n'a besoin ni de la reforme agraire, ni non plus des procédés irrigatrices sophistiquées pour assurer son autosuffisance alimentaire.

Tout ce dont la RDCongo a besoin c'est: Une cohérente stratégie agricole, et une réelle volonté politique de libérer les Congolais des défectuosités alimentaires; Et faire d'eux, des agents dynamiques de la conquête et consolidation de leur indépendance politique, économique, technologique, militaire, et culturelle réelles. En d'autres termes, le jour ou les gouvernants congolais se décideront à mettre sur pied une stratégie agricole du développement; En une année, l'on récoltera deux fois le mais, l'arachide, le riz, le haricot, l'igname, la colocase, la patate douce, la pomme de terre; Et au moins trois fois le lenga-lenga, les choux, les épinards, le matembele-bangi, le dongo-ndongo, etc.

Au bout de deux ans, ceteris paribus, l'on pourra commencer à parler de Congo-Kinshasa comme un réel «Super Market» pour l'Afrique; Un véritable «Paradis Agricole» pour toute l'Afrique.

-----------------------------------------------------------------------------

Références
1. Bourges, Herve & Wauthier, Claude, Les 50 Afriques , Paris, Edition du Seuil, TII , 1979.

2. United States Congres House Committee on Foreign Affairs, Subcom on Afr., «  Political & Economic Situation in Zaire  », Fall 1981.

3. EIU, Country Profile, Hopkins University Press, Baltimore and London, 1983, p.263. 

4. Litofe Sloj Silika, Essai d'Analyse des Obstables Majeurs au Développement Economique du Zaïre: Le Cas de Sous-Region de Haut-Uele , Lubumbashi, Université Nationale du Zaïre, Campus de Lubumbashi, Mémoire de Licence en Sciences Politiques et Administratives, juillet 1981.

5. Litofe Sloj Silika, Idem.

6. Zaire, A Country Study , Edition établie par Irving Kaplan, American University, Washington D.C., 1979, pp.285-286.

7. EIU, Country Profile , 1988-1989, p.13

8. Alin de Janvy, « The role of Land Reform in Economic Development: Policies and Politics », in Agricultural Development in the Third World, Edited by Car Eicher & John A. Stantz, The Johns Hopkins University Press,

Baltimore and London, 1983, p.263.

Litofe Sloj Silika, PhD
Political Economy & Public Policy,
Specialist in Comparative and Developmental Economy
Fulbright and World Bank scholar
slitofe@yahoo.com

© Congo Vision

Updated September 29, 2021

Rétrospective

Au regard de la qualité de ses innombrables sols arables et de la présence en son sein de bonnes conditions climatiques, la RDCongo est bien connue sous le nom de « Jardin de l'Afrique ». Ceci revient à dire que, toute proportion gardée, lorsque toutes ses potentialités agricoles sont effectivement mises en valeur, la RDCongo peut, à elle seule, nourrir toute l'Afrique (1).

La mauvaise gestion qui règne dans ce secteur ne lui permet cependant pas d'atteindre un tel objectif. Au contraire, la malnutrition, la sous-alimentation, et le kwashiorkor s'y installent (2). Par conséquent, la RDCongo dépense une bonne partie de ses recettes en devises pour importer les denrées qu'elle pouvait produire localement. L'exportation des produits agricoles qui ramenait près de 40% du total des recettes en devises avant la décolonisation, ne ramène aujourd'hui que près de 12% (3). Il y a là une flagrante contradiction. D'une part, l'on y trouve d'innombrables potentialités agricoles; et de l'autre, bon nombre de congolais souffrent de la sous-alimentation, de la malnutrition, et du kwashiorkor.

De l'analyse de cette contradiction, se dégage le fait que: Les stratégies agricoles en vigueur au Congo sont inefficaces et/ou inappropriées. Et qu'il y a urgence de concevoir et d'appliquer une stratégie agricole capable de lutter efficacement contre la malnutrition, la sous-alimentation, et le kwashiorkor; Et d'amenuiser l'hémorragie des devises due à l'importation des denrées que le Congo pouvait produire localement. Telle est l'idée maîtresse de cette réflexion.

Pour son intelligence, elle comprendra deux parties: La première partie s'attellera à l'analyse critique des stratégies agricoles en vigueur au Congo; La seconde, elle, suggérera un modèle du développement agricole intégré. Un modèle capable d'optimiser la production agricole au Congo, et faire de celui-ci un réel « Super Market » pour l'Afrique; Un véritable « Paradis Agricole » pour toute l'Afrique.

I. Des Stratégies Agricoles en vigueur au Congo.

De nos jours, trois stratégies agricoles semblent être d'application au Congo. Il s'agit: De l'Encadrement du Paysan, des Conventions de Développement, et de l'Initiative Privée.

1.1  De l'Encadrement du Paysan

Les protagonistes de cette stratégie estiment que, pour sortir les Congolais de la sous-alimentation et de la malnutrition, il convient simplement d'encadrer le paysan. Encadrer le paysan signifiant: Lui fournir tout ce dont il a besoin pour optimiser son rendement. Opérationnellement, encadrer le paysan c'est:

•  Entretenir régulièrement les routes de desserte agricole;

•  Acheter régulièrement et à un prix rémunérateur ses différentes récoltes;

•  Lui fournir de l'eau potable, de l'électricité, et des centres de santé bien équipes;

•  Lui ouvrir des cantines pour ses divers approvisionnements;

•  Lui construire des bonnes écoles équipées par des matérielles didactiques adéquats et animées par des enseignants compétents et bien motivés;

•  Lui dire ce que le gouvernement a décidé de cultiver dans son village, le nombre

d'hectares à cultiver, et les quantités à produire;

•  Lui montrer comment on doit cultiver pour mieux produire, comment préparer la

terre, quel genre de semis, quel distance et quelle date respecter;

•  Lui faciliter l'obtention des crédits, etc.

Aujourd'hui, la plu part des paramètres de cette stratégie ci-haut énumérés sont ni respectés ni appliqués. Ceci, pour deux raisons: Le manque d'une motivation adéquate des animateurs ruraux responsables d'assurer leur effectif opérationalisation; Et l'absence d'une réponse cohérente à la question de savoir: Le paysan congolais qui est-il ?

En réponse à cette dernière question, il y a lieu de noter que: Dans la plu part des villages du Congo, l'on y trouve généralement que de vielles personnes. En d'autres termes, le paysan congolais est un vieillard; Un citoyen suffisamment amorti, et dont les conditions de vie, le poids de l'age, la vestusté du matériel agricole qu'il utilise, et l'absence des véritables animateurs ruraux capables de s'occuper de son effectif encadrement, ne lui permettent pas d'optimiser son rendement. Autre fait important à signaler est que: C'est à ce même vieillard, que les gouvernants congolais demandent aussi d'entretenir les routes, de cultiver le champ de chef du village, de contribuer à telle ou telle réalisation locale, etc. Comme l'on peut s'en rendre compte, il se pose ici deux sérieux problèmes: L'amortissement et/ou le vieillissement de la force productive, et la dispersion de ses efforts.

Ces deux problèmes sont de plus en plus exacerbés par le fait que, dans la plu part des villages du Congo, les jeunes fuient les sorciers, les tracasseries policières, le délaissement du village et émigrent vers les centres urbains ou ils trouvent asile et vie. Par exemple, dans la province Orientale, le Grand Kivu, et l'Equateur: La plu part des jeunes sont, soit dans l'exploitation artisanale de l'or, du diamant, et/ou du coltan; Soit dans la contrebande et/ou fraudes des ivoires et du café. La petite portion de la jeunesse qu'on peut trouver dans la plu part des villages desdites provinces, se désintéresse des activités agricoles car, estime-t-elle, à tord ou à raison, que ces activités sont moins rémunératrices. Partant, cette jeunesse ne cultive que pour assurer sa propre subsistance. Toutes ces réalités font que: Dans la plu part des villages du Congo, les paysans atteignent difficilement les superficies à cultiver que le gouvernement leur impose. Ainsi, abstraction faite aux forces dites stochastiques, la production obtenue a toujours été, dans bien des cas, de loin inférieure à celle projetée ou souhaitée (4).

1.2 Des Conventions de Développement
Les apôtres de cette stratégie estiment que: Pour assurer l'autosuffisance alimentaire au Congo, les entreprises publiques ou privées qui utilisent les matières premières provenant du secteur agricole doivent investir dans la production desdites matières pour accroître leur quantité, améliorer leur qualité, juguler l'hémorragie des devises due à leur importation, et aussi palier à la carence alimentaire. Sans méconnaître le bien fondé d'une telle stratégie; la pratique sur terrain révèle qu'il est moins réaliste de fonder les espoirs sur ces conventions d'autant plus que celles-ci n'ont jamais réussi à générer les surplus requis.

Vers les années 1985 et 1986 par exemples, à Kisangani, chef lieu de la Région du Haut-Zaire (i.e. Actuelle Province Orientale); La chikwange et la farine de manioc, deux denrées alimentaires de base de la population de cette entité administrative, étaient devenues rares et chères. Ceci, parce que la Société Textile de Kisangani (SOTEXKI) achetait des champs entiers cultivés par quelques particuliers. En effet, en dépit de l'existence d'énormes étendues de terres arables, cette société n'a jamais été capable d'exploiter les possibilités agricoles locales, en termes de cultiver ses propres plantations pour s'autosuffir en amidon et en coton (5) .

Il en est de même pour les différentes brasseries du Congo qui utilisent les maltes à base du riz et du mais. Sans méconnaître l'impact des difficultés économiques que traverse le Congo depuis de décennies sur la création d'un capital stock susceptible de permettre à ces entreprises de faire face aux coûts qu'occasionneraient ces genres d'investissements; Il y a lieu de souligner que très souvent, bon nombre de responsables desdites entreprises préfèrent, pour des raisons faciles à deviner, d'importer les matières premières que leurs firmes pouvaient pourtant produire localement.

Toutefois, retenons que quand bien même les dirigeants de ces diverses entreprises acceptaient volontiers d'investir agressivement dans la production des produits agricoles que leurs firmes utilisent comme matières premières; Quel serait alors le sort réserver aux autres produits de premières nécessités tels: La patate douce, le haricot, la banane Plantin, l'igname, le colocase, l'arachide, les choux, l'épinard, les différents fruits, etc.? C'est autant dire que: Même effectivement appliquées, les conventions de développement ne peuvent pas, à elles seules, être considérées comme une stratégie agricole cohérente qui, demain ou après demain, pourra aider le Congo à réhabiliter son secteur agricole, et par ce fait, libérer les Congolais de défectuosités alimentaires.

1.3 De l'Initiative Privée

En s'appuyant sur l'option économique du Congo qui est le « Libéralisme Ecomique Concerté »; Les apôtres de cette approche soutiennent que, pour sortir les Congolais de la sous-alimentation et de la malnutrition; Le gouvernement congolais doit faire confiance à l'esprit d'entrepreneuriat des opérateurs économiques tant nationaux qu'expatriés. C'est sous cette angle que, pendant la deuxième république, les privés, très souvent des nationaux, élaboraient des projets agricoles bien structurés et se présentaient auprès des institutions de financement telles la Banque des Crédits Agricoles (BCA), les Fonds de Conventions de Développement (FCD), The United States Agency for International Development (USAID), et tant d'autres pour y obtenir les finances nécessaires.

Malheureusement, la pratique congolaise a révélé que, très souvent, une fois que ces nationaux avaient obtenu les financements voulus; Ils les orientaient tout de suite vers les activités qui n'avaient rien à voir avec la dynamisation du secteur agricole. Par ailleurs, pour ceux qui investissaient effectivement dans l'agriculture, comme pour bon nombre d'entre eux étaient des politiciens considérés en jargon congolais comme des «militants de première ère» et donc des «intouchables»; Il n'existait pratiquement pas un système de contrôle capable de les contraindre à mieux gérer leurs projets. Conséquemment, une fois que ces crédits arrivaient à leur échéance, rares étaient ceux qui restituaient les crédits agricoles leur consentis, doublés des intérêts qui en ont résulté. Un coup d'oeil analytique sur le « Rapport de la Commission des Biens mal Acquis » de la Conférence Nationale Souveraine suffit pour s'en convaincre. Comme ces pratiques irrationnelles continuent jusqu'à ces jours, il est de notre devoir de souligner qu'à l'état actuel des choses, l'on ne peut pas logiquement compter sur l'initiative privée pour optimiser la production des maniocs, des mais, des bananes plantins, des patates douces, des pommes de terre, des haricots, des pois et vaoudzou, des ignames et colocasses, des arachides, du riz, des oignons, des choux, et autres légumes.

Aujourd'hui, les privés congolais qui s'occupent de la production à grande échelle de ces denrées de première nécessité sont très rares et/ou n'existent presque pas. Ainsi, bien qu'officiellement, les gouvernants congolais aient acquis l'habitude d'affirmer que: Le paysan congolais produit plus; Mais c'est bien l'absence d'une infrastructure routière propice et d'un prix d'achat rémunérateur des produits agricoles qui font que certains centres urbains du Congo deviennent des foyers de la malnutrition, de la sous-alimentation, et du kwashiorkor; L'analyse des faits sur terrain démontre que ces affirmations sont plus pour de faux-fuyants, que reflets de la réalité sur terrain. Ceci est d'autant plus probant dans la mesure ou, aujourd'hui, même si l'on parvenait à collecter les récoltes agricoles qui pourrissent dans les villages enclavés du Congo; cette dernière ne parviendra toujours pas à s'autosuffir sur le plan alimentaire; et moins encore redevenir exportateur de manioc, du mais, du coton, de banane Plantin, etc.. Comme ce fut le cas dans les années cinquante ?

Fig.1 ci-dessous en témoigne.

 

Source : Litofe Sloj Silika, Ethnicity & Modern Economic Growth in Zaire , These de Doctorat , Political Economy & Public Policy, University of Southern California , June 2, 2000, Ch.5.

Disons ici que la philosophie selon laquelle, l'Etat s'occupe de l'infrastructure et le Privée s'occupe de la production, conséquence logique du libéralisme économique concerte, qui caractérise les trois principales stratégies décrites ci-haut, rend le Congo plus dépendant de l'extérieur, ne lui permet pas d'exploiter rationnellement ses nombreuses potentialité s agricoles, de compter d'abord et avant tout sur ses propres forces, et ainsi assurer l'autosuffisance alimentaire de ses citoyens.

A côte de l'incohérence constatée en ce qui concerne les stratégies, il y a aussi l'absence d'une réelle volonté politique de réussir. Cette absence d'une réelle volonté politique de réussir s'observe, outre l'existence même de cette incohérence, à travers le budget alloué à l'agriculture, le chômage et la sous-utulisation des cadres agricoles et vétérinaires, et l'impunité dont bénéficient ceux qui ne remboursent pas les crédits qui leur ont été accordes. En dépit du fait qu'en RDCongo, l'agriculture a été proclamée «priorité des priorités» depuis des décennies; Lorsque l'on analyse la distribution de dépenses en capital par secteur, l'on constate avec amertume que la priorité des priorités n'est qu'un simple slogan. La priorité des priorités n'a jamais été accompagnée par une allocation budgétaire prioritaire. La part de budget allouée au secteur agricole a, pour la plu part des cas, toujours été de loin inférieures à celle des affaires politiques et tant d'autres ministères (6).

Il y a la une inadéquation entre le vśux exprimé par le slogan et la pratique en ce qui concerne moyens consentis pour les re dynamisation des activités agricoles. Aussi, ce qui inquiète le plus, c'est le caractère perpétuel de cette inadéquation. En effet, lorsque l'on analyse par exemple le dernier plan d'investissement prioritaire du Congo, alors Zaïre, qui couvrait la période allant de 1987 à 1990, l'on constate sans ambages que la priorité des priorités qu'est l'agriculture, avec les 13,5 milliards de zaïres lui alloués, venait en quatrième position après le transport (38,7 milliards de zaïres), les mines (34,9 milliards de zaïre), et l'électricité (18,1 milliards de zaïres) (7). Cette inadéquation dans l'allocation budgétaire continue jusqu'à ces jours.

En plus de l'inadéquation budgétaire, il y a le chômage massif et la sous-utilisation des Ingénieurs agronomes, des médecins vétérinaires, des ingénieurs agronomes techniciens, des sociologues ruraux, des administrativistes, des diplômes des humanités agricoles, etc. Un recensement scientifique, pour déterminer «Qui est qui, et qui pourra effectivement faire quoi, ou, quand, et comment», mettra en lumière le nombre exact de ces cadres en chômages, et la majorité d'entre eux, qui sont sous-employés.

II. De l'Optimisation de la Production Agricole au Congo
De l'analyse de tout ce qui précède, il se dégage que: Pour libérer les Congolais des défectuosités alimentaires, et faire d'eux, des agents dynamiques de la conquête de leur indépendance politique, économique, technologique, militaire, et culturelle réelles; Le gouvernement congolais doit, lui-même, donner l'impulsion, la direction, et l'exemple de l'esprit d'entrepreuneuriat agricole dont le Congo a besoin. Concrètement, le gouvernement congolais devra:

2.1 . Procéder à un recensement scientifique de tous les ingénieurs agronomes, médecins vétérinaires, sociologues ruraux, économistes ruraux, administrativistes, ingénieurs agronome techniciens, diplômés des humanités agricoles en chômage et/ou sous-employés. Cette opération permettra au gouvernement congolais d'identifier «Qui est qui, et qui peut faire quoi» pour re dynamiser le secteur agricole au Congo? En sus, elle pourra être considérée comme le point de départ de la conception d'une stratégie de recrutement visant à placer l'homme qu'il faut à la place qu'il faut.

2.2 . Créer au niveau de chaque province du Congo, des « Sociétés de Développement Agricole Intégré » (SDAI). Ces sociétés seront des entreprises publiques dotées d'une autonomie administrative et financière; et placées sous la tutelle du ministère de l'Agriculture et Développement Rurale. L'idée maîtresse ici est que: Chaque SDAI s'occupe de tous les aspects du développement agricole au sein d'une province, en essayant d'optimiser l'exploitation des ressources agricoles dont chaque province jouit d'un avantage comparé et/ou est naturellement pourvue par rapport à d'autres provinces du Congo. Ainsi, les projets au sein du SDAI pourront être classés de A à Z ; A étant la ressource la plus abondante dans la province, et Z la ressource la moins abondante. Cette idée pourra se conceptualiser comme suit:

Fig.3. Sociétés de Développement Agricole Intègre (SDAI)

 

Source: Litofe Sloj Silika, Ethnicity & Modern Economic Growth in Zaire, These de Doctorat , Political Economy & Public Policy, University of Southern California , June 2, 2000 , Ch.5.

En effet, Fig.1 ci-haut montre que les per capita output des denrées de premières nécessite telles: Le riz, le mais, le manioc, et voire la bière, n'ont jamais atteint leur seuil de production d'avant l'indépendance. Par exemple, le per capita output du riz (i.e. 879.8) en 1990, n'a jamais rapproché son seuil 1955 (i.e. 1455.4), une décroissance de 40% dans trente ans; Le per capita output du mais (i.e. 2181.9) n'a jamais atteint son seuil de 1950 (i.e. 2765.9), une réduction de 21% en quarante ans; Le per capita output de manioc (i.e. 45465.4) n'a jamais atteint son seuil de 1955 (i.e. 55130.8), une décroissance de 18% dans trente ans; Et le per capita output de la bière (i.e. 11457.3) n'a jamais rapproché son seuil de 1960 (i.e. 88584.4), une décroissance de 87% sur trente ans.

Le même pattern s'observe aussi en ce qui concerne les per capita output des produits d'exportation. Fig.2 montre par exemple que le per capita output du coton en 1990 (i.e. 69.5) n'a jamais atteint son peak seuil de 1950 (i.e. 361.1), une décroissance de 81% sur quarante ans; Le per capita output de caoutchouc en 1990 (i.e. 50.8) n'a jamais été proche de son peak seuil de 1960 (i.e. 234.7), une décroissance de 78% en trente ans. Seule, le per capita output du café montre un petit accroissement. Le per capita output de café est passé de 352.18 en 1960 a 364.7 en 1990, une croissance de 3.6 % dans trente ans.