Comment devient-on pasteur en République Démocratique du Congo ?
Rév. Joseph Mpassi, Pasteur national de l'Eglise kimbanguiste en France, répond aux questions de nos internautes
1) Quel est le rôle du pasteur ou du prêtre et de l'église dans notre société?
Rév. Joseph Mpassi: Le pasteur a un rôle de berger et de soutien, c'est " l'esclave " de Dieu au service des hommes. Il apporte assistance morale et spirituelle et intercède par la prière en faveur des hommes et du monde. Pour cela il se doit d'être honnête, humble, sobre d'une bonne probité morale et surtout d'une grande écoute. Quand à l'église sa mission première est de sauver les âmes. Elle est lieu d'expression de la foi qui réunit des personnes sans aucune distinction ayant une même foi pour le salut de l'humanité.
2) Dans les églises « traditionnelles » catholique, protestante et Kimbanguiste, comment devient-on prêtre ou pasteur ?
Rév. Joseph Mpassi: Une petite précision, l'église Kimbanguiste est une église indépendante d'essence africaine, elle n'est ni affiliée au catholicisme romain, ni au protestantisme sous toutes ses formes. Dans l'église kimbanguiste on peut devenir Pasteur de trois façons :
On est élevé au rang de pasteur par le chef spirituel seul habilité à élever à ce rang ecclésiastique, sur proposition du corps ecclésiastique paroissial, sectoriel, provincial et national après avoir gravi toute l'échelle ecclésiastique, d'abord concierge, ensuite catéchiste puis diacre. Ce sont là des anciens qui se sont distingués dans leur paroisse par leur probité morale, leur sagesse et leur disponibilité à l'écoute des autres.
Par vocation, ce sont là des jeunes kimbanguistes ayant reçu l'appel et qui en manifeste la volonté. Ils se distinguent par leur foi et leur dévouement. Ces jeunes partent de leur paroisse avec un témoignage pour l'école biblique de Nkamba où ils acquièrent une première formation dans des conditions souvent très dures, parce qu'ils doivent en dehors de l'école aller porter assistance aux personnes âgées et aux malades parfois à des dizaines de kilomètres à pied et ce en tout temps. A l'issue de cette année de formation, les uns sont élevés au rang de catéchiste et envoyé en service et ce au bout de plusieurs années de mission après plusieurs inspections qu'ils deviendront pasteurs. Les autres ayant leur diplôme d'état sont admis à la faculté de théologie kimbanguiste de Lutendele dans la banlieue de Kinshasa. A l'issue de leur formation au bout de cinq ans ils sont pasteurs. ·
A titre exceptionnel, en vertu de ses pouvoirs discrétionnaires, le Chef spirituel peut élever quiconque au rang de Pasteur.
Dans l'église kimbanguiste, on ne s'autoproclame jamais Pasteur. L'élévation à ce rang est du seul ressort du Chef spirituel sur recommandation des autorités ecclésiastiques ou non.
3) L'hyperreligiosité du peuple congolais est-elle l'expression d'une quête authentique de la spiritualité ou juste un refuge contre les conditions sociales actuelles au pays?
Rév. Joseph Mpassi: A cette question, il faut d'emblée savoir que le peuple Bantous est un peuple très croyant par sa tradition. Ils croient à deux mondes qui s'interpénètrent : celui dans lequel il vit et celui des aïeuls. Kimpa Vita déjà en 1482 posait un problème de foi, celui d'un esprit libérateur. Les notions de Nzambi a mpungu, Nzakomba, Mungu, Maweje montrent à suffisance cette quête de spiritualité. On serait donc tenter de répondre que cette quête est authentique, car de tout temps Dieu ou cet être tout puissant a été le recours, mais il faut tout de même pondérer cette affirmation car les dérives constatées sur le terrain en disent long.
4) Les multiples divisions au sein des églises dites "indépendantes" sont-elles dues à l'absence d'une pensée theologique cohérente et unifiée?
Rév. Joseph Mpassi: Oui., car les dirigeants de ces églises n'ont pas une élévation spirituelle conséquente. C'est une foi en trompe l'œil, ils sont beaucoup plus attirés par le matériel que le spirituel qui ne sert de couvre-chef. Or un chef religieux se doit d'être visionnaire et au service des autres, il n'attend rien pour lui même ou pour les siens. Car sa mission c'est d'apporter un message salutaire pour ses semblables. D'ailleurs à ce propos, Papa Diangienda l'homme tant écrié nous disait je m'aide en aidant les autres. Je me souviens encore de sa disponibilité à notre égard aux heures indues de la nuit, on le téléphonait quelque soit l'heure et il était là pour nous, pour nous apporter réconfort. Vous ne pouvez l'imaginer. Tous les kimbanguistes de la diaspora vous en diront plus. Il a sorti l'église des fonds baptismaux et la donné une respectabilité. En quarante ans il a bâti des églises, mais aussi des écoles, des centres de soins, des centres agricoles et rien pour lui même. La seule chose que les kimbanguistes lui ont fait pour lui, en le forçant (parce qu'il ne voulait pas que l'on démolisse sa maison) c'est d'avoir construit sa maison et pire, il n' y a même pas dormi.
5) La prolifération des églises et des sectes dans notre pays et dans la diapora congolaise doit-elle être perçue comme une richesse ou un signe d'appauvrissement spirituel?
Rév. Joseph Mpassi: Papa Diangienda nous disait que c'était un mal nécessaire, pour ramener les enfants de Dieu à Lui. Car pendant les périodes d'opulence, ils se sont travestis, oubliant le Dieu de leurs pères. Cette prolifération d'église est donc un signe d'une quête de foi et de recherche d'une voie de salut devant les incertitudes de l'avenir.
6) A quand remonte-t-elle l'émergence de différents courants de pensée religieux qui prolifèrent en RDC ?
Rév. Joseph Mpassi: L'émergence des différents courants de pensée sont plus anciens qu'on ne le pense: les Nzambi kaki, les bulamanga, nzambe ya mapapu, et tous les courants ngunzistes en sont les exemples. Ils avaient pignon sur rue au début des années 50 après la mort de Papa Simon kimbangu. Mais ces courants ont connu une prolifération considérable dans les années 80-90 avec la montée de la crise politico-économique qui a frappé nos pays. Certains pensant qu'un pays comme le nôtre avec toutes les potentialités dont il regorge ne pouvait tomber aussi bas dans un tel état de délabrement sans que cela ne soit une punition divine. Cela a ouvert la voie à tous les bonimenteurs et marchands d'illusion qui ont sauté sur le gâteau pour exploiter davantage l'incrédulité des gens.
D'autre part, la main mise des grandes puissances occidentales sur les richesses de nos pays associée à la gabegie de nos dirigeants corrompus, montrent à suffisance que sans l'aide de dieu, il est presque impossible aux noirs de prendre conscience et de se libérer de la tutelle des plus forts qui font tant de mal, d'autant plus que ceux qui sont appelés à assurer la relève, les intellectuels s'éloignent du cadre spirituel traditionnel, se prostituant dans les confréries de spiritisme (franc-maçonnerie, rose-croix etc…).
7) Quel regard porté sur ces courants ?
Rév. Joseph Mpassi: Un regard de compréhension de leur approche, sans les rebouter au risque de créer des pôles d'intégrisme. Leur analyse de la situation est peut être juste, mais la solution mauvaise ou mal adaptée. car l'on dit " aide toi et le ciel t'aidera ". C'est pour cela en droite ligne des recommandations de leur Père, Papa Diangienda nous a laissé trois préceptes comme guide : l'Amour du Prochain, le respect des Commandements de Dieu et le Travail, car le travail libère l'homme et assure son indépendance.
8) L'absence d'une culture religieuse est criante dans le chef de bon nombre des prédicateurs émergents des « églises de réveil » . Comment les chrétiens « traditionnels » doivent-ils s'armer pour faire face à cette nouvelle vague idéologique « radicale »?
Rév. Joseph Mpassi: Les chrétiens traditionnels doivent se distinguer par leur probité morale en liant la parole aux actes. On ne court pas derrière un fou si l'on ne prend soin de se vêtir auparavant. La foi sans les œuvres est une foi morte.
9) Ces prédicateurs que d'aucuns qualifient de « charlatans » ou de « vendeurs d'illusions » proposent une foi renouvelée. Celle-ci consiste à une lecture simpliste des écritures saintes, c'est-à-dire, elles sont lues mot à mot. L'interprétation qui en résulte est souvent biaisée. Doit-on tenir compte du contexte situationnel et relationnel dans la compréhension de la Bible ?
Rév. Joseph Mpassi: Ces prédicateurs essaient de copier les évangélisateurs-vedettes américains, avec en filigrane la théologie de la libération. Mais toute copie faite sans l'assentiment du modèle est imparfaite. La bible est un livre intemporel qui parle de la relation des hommes avec Dieu. il est donc judicieux avant de se lancer dans l'explication de ces textes de les situer dans le temps et l'espace, car l'histoire est un éternel recommencement, ce qui fut c'est ce qui sera. Il ne faut être ni simpliste, ni extravagant, mais humble et laisser Dieu agir en vous, car vous avez devant vous une forêt immense et il vous faut un guide pour la traverser. Aucun exégète ne peut se targuer de sa connaissance totale. L'histoire du Christ nous le rappelle sans cesse, les sadducéens et les pharisiens (docteurs de la loi) n'ont pu reconnaître en Jésus le messie promis dans le livre du prophète Esaïe.
10) Comment doit-on lire la Bible ? Quelle interprétation doit-on en faire ?
Rév. Joseph Mpassi: La bible ne se lit pas comme un roman, ni comme un livre d'histoire. Elle doit se lire dans la contemplation, l'humilité et la foi. Son interprétation ne doit pas venir de la connaissance humaine mais d'un appui spirituel car les grands prédicateurs ne sont pas les grands théologiens.
11) Certains prédicateurs de ces « nouvelles églises » éprouvent un profond mépris pour la formation classique destinée au personnel religieux. Leur argument principal tient en deux phrases : « Jésus n'a pas été à l'Université » ou « Il n'est écrit nulle part qu'il faut aller à l'école pour enseigner la parole de Dieu. Est-ce la conséquence du contexte situationnel et relationnel de la RDC ?
Rév. Joseph Mpassi: Il est écrit ne juger point au risque d'être jugé soi-même. L'esprit de Dieu descend sur qui il veut, tout comme le vent souffle dans toutes les directions. Mais on ne peut pas s'autoproclamer prédicateur de Dieu et ne pas faire sa volonté. C'est pourquoi de nombreux responsables des églises de réveil se compromettent. Mais attention à la colère de Dieu car on ne peut impunément abuser de la foi des gens.
Propos receuillis par Sylvestre Ngoma
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