Chantal Kanyimbo ou Génération «Roule ta bosse»
Dix-huit ans de télévision! Chantal Kanyimbo n'est plus à présenter. Présentatrice-vedette à la chaîne mère RTNC, elle est la première femme journaliste à siéger au sein du comité directeur de l'Union de la presse nationale où elle occupe le poste de vice-présidente. À la chaîne publique, elle est sous-directeur du service des informations Tv. Toujours belle allure, toujours en tailleur, rarement en «libaya- pagne» - la tenue nationale des dames r-dcongolaies…
Chantal Kanyimbo est avant tout le porte-étendard d'une génération de femmes qui est venue bousculer les habitudes dans la profession et qui, depuis, suscite des vocations chez les jeunes filles encore au secondaire.
Très tôt, Kanyimbo a été attirée par le journalisme, au sortir de ses études primaires dans son Katanga natal. Mais c'est surtout, un livre-témoignage «Roule ta bosse» d'un reporter - dont elle dit ne plus se souvenir du nom -, racontant dans les détails sa vie professionnelle, qui la fascine. Elle ne rêve alors que de journalisme.
Des études de bac + 5 à l'ex-ISTI devenu IFASIC de Kinshasa concrétisent le rêve qui devient réalité avec son entrée à la télévision nationale, en 1987, recrutée comme téléspeakerine. Depuis, elle n'a jamais quitté la cité de la Voix du Zaïre devenue «la Voix du peuple» même si elle a eu à tenter une expérience dans la presse écrite en créant et en dirigeant, au début des années 90, un journal people dénommé «Kin Potins».
«J'ai senti en moi cette vocation à la fin de mes études primaires. L'attirance pour le métier de journalisme se confirmera au fil du temps grâce à la lecture; cela a sensiblement renforcé en moi le désir d'exercer ce métier.
Je me souviens encore d'un livre écrit par un reporter dont j'ai malheureusement oublié le nom mais le titre était «Roule ta bosse». «Il y évoquait les reportages qu'il avait réalisés à travers le monde, les circonstances, les conditions de travail, la personnalité des personnes rencontrées, etc. Je dois avouer qu'à cette époque, le livre m'avait fortement impressionnée. Vous voyez donc que je ne suis pas arrivée au journalisme par accident ni par un concours de circonstances. C'était un choix, une vocation...»
Devenir présentatrice vedette du journal à la télévision publique à Kinshasa vous a certainement coûté un prix. Peut-on savoir lequel?
S'il y a un prix à cela, je dirais que c'est uniquement le fruit d'un travail bien fait. C'est donc le prix de tous les efforts que je fournis dans l'accomplissement des tâches qui me sont confiées depuis dix-huit ans par mes différents chefs à la télévision publique.
Qu'est-ce qui vous plaît dans ce métier qui ne paie pas son homme?
Je viens de vous dire que le journalisme est avant tout une vocation pour moi. Sincèrement, je dois vous dire que j'adore ce métier. Il me passionne. C'est vrai que dans la vie active, il y a deux dimensions à considérer: l'argent et l'épanouissement personnel. C'est vrai aussi qu'étant dans un pays sous-développé, ce n'est pas dans le journalisme que l'on peut rêver de devenir millionnaire. À moins que d'être un patron de presse!
Il n'y a qu'aux États-Unis où, avec le rêve américain, les journalistes évoluant dans l'audiovisuel peuvent gagner des millions grâce à la publicité diffusée dans les émissions à succès. Ayant embrassé le métier par vocation, cela reste un sacerdoce. Ma grande récompense, c'est d'apporter ma contribution à la consolidation de l'esprit démocratique dans le pays à travers les émissions que j'anime ou produis.
Il y a des gens qui pensent que la femme ne vient à la télé que pour être vue et faire valoir des avantages physiques?
Soyons sérieux! Quand vous regardez la télé, des dames comme Marie-Ange Mushobekwa sur Antenne A, Mamina Masengu et Brigitte Kiaku sur Tropicana Tv, Sonia Mugalu sur Horizon 33, Françoise Vita sur Raga Tv… avez-vous vraiment l'impression qu'elles font valoir leurs jolis minois plutôt que leurs qualités professionnelles? Non! Heureusement que ce ne sont que des préjugés.
Le travail que nous faisons suffit pour s'en convaincre. Il se pourrait qu'il y ait, aussi bien chez les femmes que chez les hommes, des personnes sans scrupules qui se servent d'arguments autres que les qualités professionnelles pour atteindre leur objectif. Je ne le nie pas mais laissez-moi vous dire qu'à la télévision, on ne peut pas cacher ses limites. D'expérience, je dis que celles qui viennent à la télévision pour être vues disparaissent très rapidement du petit écran. Mais celles qui ont choisi l'audiovisuel pour pratiquer le journalisme mènent leur carrière jusqu'au bout.
Que répondez-vous aux importuns, vous leur raccrochez au nez ou vous leur dites gentiment: «Monsieur, je n'ai pas le temps de dîner avec vous au restaurant»?
Je réponds toujours poliment. Je fais toujours comprendre que je ne mêle jamais ma vie privée avec ma vie professionnelle…
Une femme célèbre doit sûrement avoir des ambitions. Ne rêvez-vous pas d'être, peut-être, un jour à la tête de votre propre chaîne de télévision?
Pourquoi pas? Inch'Allah.
Êtes-vous une femme engagée politiquement? Si oui, quel sens donnez-vous à votre combat?
En ma qualité de femme journaliste, je crois fermement en la liberté de presse et d'expression. J'estime que ce droit fondamental consacré dans la Déclaration universelle des droits de l'homme est une valeur qu'il faut à tout prix défendre. La liberté de presse et d'expression donne l'occasion à tout le monde d'avoir son mot à dire dans la gestion de la cité.
La parole libérée permet à tous de participer au changement social dont notre pays a besoin pour son développement. Nous avons encore frais dans nos mémoires tous les dégâts de la pensée unique dans notre pays. C'est pourquoi, il n'est plus question de laisser à qui que ce soit de récupérer l'espace de liberté conquis aujourd'hui. Tout doit être mis en śuvre pour conserver cet acquis gagné pendant la longue transition congolaise.
Vice-présidente de l'UNPC, à quelles destinées pensez-vous conduire l'association professionnelle?
Je pense que nous devons d'abord nous féliciter du développement de la presse congolaise au regard de la profusion des titres ainsi que des chaînes de radio et de télévision à Kinshasa et dans tout le pays. Mais la presse congolaise vit encore dans un environnement économique difficile qui entrave son essor économique.
La loi du 22 juin 1996 qui réglemente l'exercice de la liberté de la presse prévoit l'aide directe et indirecte à apporter à celle-ci. Le comité directeur de l'UNPC dont je fais partie a reçu entre autres missions de travailler dans le sens de la concrétisation de toutes ces dispositions. Pour cela, nous avons transmis le dossier à qui de droit. Mais en ce qui concerne l'ordre que nous devons nous-mêmes mettre dans la maison, l'opération d'identification des journalistes et des professionnels des médias a commencé avec la mise en circulation du formulaire d'identification.
Cette opération est très importante pour la mise à l'écart de ceux qui n'ont rien à avoir avec le métier d'informer et qui discréditent notre travail. Le congrès nous a confié plusieurs missions pour refonder la presse congolaise et c'est à cela que nous devons conduire notre profession au terme de notre mandat de 4 ans.
On dit que vous devez votre poste à l'UNPC à la parité homme-femme. Est-ce pour vous une question de quota ou de compétence?
C'est certainement une question de compétence. Je suis sincèrement convaincue que les femmes qui le méritent s'imposeront par leurs qualités professionnelles avérées…
Vous développez une nouvelle initiative, Femmes des médias. C'est quoi exactement?
Ensemble avec Colette Tshomba d'«Uhuru» et Wivine Moleka de la RTNC, nous avons pensé mettre en place une association des femmes des médias du Congo. Nous voulons à travers cette association assurer la promotion des femmes journalistes qui rivalisent désormais en nombre avec les confrères dans nos rédactions.
Nous voulons aussi encourager celles qui ont des ambitions à créer leurs propres entreprises de presse. Enfin, nous voulons à travers une mutuelle créer et maintenir une solidarité entre les femmes journalistes. Nous rencontrons un certain nombre de problèmes qui nous sont particuliers et c'est pour cela que nous projetons d'organiser très bientôt un congrès des femmes journalistes.
MICHEL MUKEBAYI NKOSO. |
lesoftonline.net 25/09/2005 |
|