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FORUM DE LA RECONCILIATION

Notre invité: Roger LUMBALA, Président du Rassemblement congolais pour la démocratie - national (RCD-national), une faction rebelle.

Congo Vision: Une certaine opinion soutient que vous n'avez pas de troupes. C'est Jean-Pierre Bemba et Yoweri Museveni qui agissent à travers vous. Votre réaction?

Roger Lumbala: Le RCD - National dispose de troupes dont l'effectivité est mise en évidence par les rencontres formelles de ses officiers avec les observateurs de la Monuc qui, dans le cadre de leurs missions, discutent et échangent des informations liées aux questions de sécurité. D'ailleurs, nous avons récemment procédé aux promotions de nos officiers et hommes de rang les plus méritants. Tous ceux qui connaissent l'organisation des armées, peuvent aisément déceler, à travers ces nominations, la composition de nos forces. Dans tous les cas, vous imaginez bien que même pour faire bonne figure et couper court à cette question réccurente, nous aurions pu procéder à des recrutements dans notre territoire qui, jusqu'à preuve du contraire, n'est pas désertique! Au lieu de cela, nous avons toujours compté sur des engagements volontaires, de jeunes gens majeurs. C'est pourquoi, nous n'avons pas été étonné que, dans son dernier rapport faisant allusion à l'utilisation des enfants soldats, la commission initiée par le Secrétariat général des nations unies n'ait pas montré du doigt le RCD - National.

Congo Vision: Des pygmées et certaines organisations humanitaires accusent vos troupes et celles de Jean-Pierre Bemba de cannibalisme en Ituri. Est-ce que ces accusations sont fondées?

Roger Lumbala: Il y a une commission qui a été mise en place par la Monuc pour enquêter sur ce sujet. Ce qui est sûr, c'est que la vérité est incompressible. Elle finira par faire éclater la bulle. Cette question a mis en évidence la manière dont certaines personnes se servent de la probité morale que leur confère leur statut social pour abuser de l'ensemble de la communauté nationale et internationale. Car, même avec une soutane, un menteur reste un menteur. Même avec une croix, un affabulateur reste un affabulateur. Plus encore, lorsque pour servir des intérêts personnels, des hommes chargés de prêcher la fraternité et la bonne parole considèrent que les Pygmées sont des sous - hommes dont on peut impunément utiliser le nom dans une campagne humiliante, alors on peut subodorer que la défrocation n'est plus lointaine.

Je trouve affligeant ce procédé dont, avec des propos sournoisement prétentieux et outrancièrement rétrogrades, certains histrions pseudo religieux ont cherché à infantiliser nos frères Pygmées. Vous êtes vous demandé un seul instant, pour quelles raisons de prétendus cannibales ne s'intéresseraient - ils à manger de la chair de Pygmées qu'au moment où la ville de Béni allait tomber? Par définition un cannibale ne mange - t - il pas de la chair humaine quelle que soit son origine! Pourquoi ne pas la manger avant, au moment des combats dans d'autres lieux, et pourquoi seulement au moment de la chute des derniers mètres carrés de Béni? La ficelle est trop grosse. Je conseillerais au promoteur de cette cabale qui déshonore son ministère de lire l'excellent livre du Professeur Ngoïe Ngalla de l'Université de Brazzaville intitulé "Lettre d'un Pygmée à un Bantou". C'est un ouvrage classique pour tous ceux qui veulent se rendre compte qu'aujourd'hui encore, il y a des Bantous qui pensent être supérieurs aux Pygmées. Sentencieusement, je déclare que cette pratique procède de la même logique que les fameux charniers de Timisoara, en Roumanie, ou les prétendues tueries de bébé dans les hopitaux, au Koweit. C'est, pour moi, de la grossière manipulation.

Voilà pourquoi, au nom du RCD - National, j'affirme que nous respectons la convention de Genève sur les droits des civils en temps de guerre. J'ajoute que nous respectons les droits des enfants et des prisonniers. Quiconque aurait la preuve du contraire, doit les apporter à la commission d'enquête mise en place par les Nations Unies.

Congo Vision: Quelles sont vos impressions sur l'accord global et inclusif signé le 17 Décembre 2002 à Pretoria ? Est-ce que cet accord est réellement global et inclusif ?

Roger Lumbala: Nous avons le sentiment qu'une étape importante pour la marche de notre pays vers son unité, la paix et le développement a été franchie. Désormais, un cap a été fixé et un cadre institutionnel adopté. Certes, nous n'avons pas réussi à aplanir toutes les aspérités, en renvoyant des questions essentielles, telle la sécurité, mais, à ce stade, il s'agissait de rechercher le plus petit commun multiple, capable de féconder les énergies de la nation pour impulser une nouvelle dynamique, et non pas de trouver le plus grand commun diviseur. C'est pourquoi, même la dénomination que l'on a donné à l'accord, loin d'être conforme a la réalité, avait une valeur symbolique. En effet, dire que l'accord est global implique qu'aucun aspect du dossier n'a été omis. Préciser qu'il est inclusif indique que toutes les opinions ont été représentées. Or, sur le plan pratique, ni l'une ni l'autre des deux conditions n'a été remplie. Néanmoins, à ce stade, l'essentiel a été fait.

Congo Vision: Depuis la signature de l'accord de Pretoria, la guerre a repris de plus belle. Y a–t-il encore quelques chances de succès pour sa finalisation ?

R. Lumbala: J'ai la conviction que l'accord de Pretoria sera finalisé nonobstant les soubressauts qui ont lieu et qui sont le reflet du manque de confiance réciproque. Pour ce qui concerne le mouvement que j'ai la charge de diriger, nous mettrons tout en oeuvre pour contribuer au succès de l'accord.

Congo Vision: Pourquoi la guerre a-t-elle repris en Ituri malgré la signature de l'Accord de Pretoria et l'Accord de Gbadolite?

R. Lumbala: L'analyse des affrontements qui opposent nos troupes à celles du RCD - ML doit prendre en compte le fait que ce sont les troupes du RCD - ML qui ont attaqué nos positions dans le but de reprendre Bafwasende et Isiro qu'ils ont toujours considéré comme leur territoire. Vous trouverez à ce propos une condamnation claire du RCD - ML par la Monuc, à la suite des déclarations du secrétaire général de ce mouvement. C'est ce qui explique que nous ayons été obligés de nous défendre et d'appliquer le droit de poursuite jusqu'à l'entrée de Beni. Dès lors que nous avons obtenu de la Monuc, par l'accord de Gbadolite, l'assurance que la communauté internationale, notamment les cinq membres permanents du conseil de sécurité, veillerait à l'application stricte du cessez le feu, nous n'avons eu aucune hésitation à donner l'ordre de retrait à nos troupes.

Congo Vision: Quel rôle pensez-vous jouer pendant la transition ?

R. Lumbala: Le RCD - National jouera le rôle qui est dévolu à toutes les entités, en se conformant à la constitution de transition et au droit international. Si par contre vous voulez savoir quel rôle je jouerai personnellement, j'aurais du mal à vous le dire, puisqu'il revient collectivement à la direction du mouvement de décider quel rôle elle entend confier à ses cadres, dans la recherche de l'efficacité de l'action et de la meilleure représentation du mouvement.

Congo Vision: Votre alliance avec le MLC est-elle conjoncturelle?

R. Lumbala: Le MLC et le RCD - National sont en alliance depuis très longtemps. Rappelez - vous que déjà à la création du FLC(Front de libération du Congo), nous étions déjà ensemble. Nous estimons que le respect des engagements librement consentis sont le meilleur gage de l'unité. Notre alliance est à ce prix. Elle tiendra, aussi longtemps que subsisteront les conditions qui ont déterminé sa réalisation.

Congo Vision: Etes-vous disposé à travailler avec le président Joseph Kabila et les autres signataires de l'Accord de Pretoria pendant la transition dans un esprit de reconciliation?

R. Lumbala: Pour se réconcilier, il faut s'être brouillés. Il ne me semble pas avoir des problèmes personnels avec tel ou tel autre acteur de la vie politique nationale! Nous travaillerons donc avec tous les acteurs, dans un esprit de franchise et de collaboration, en donnant toujours la priorité au Congo et aux Congolais. Par contre, notre mouvement n'a jamais partagé l'idée qu'il suffise de prendre le pouvoir par les armes, ce qui a été le cas de Kabila père, pour essayer d'enraciner une autre dictature monarchique alors que nous nous étions battus ensemble pour faire retrouver à notre pays le chemin de la liberté? Si ceux que vous me citez sont dans la logique de considérer qu'ils vont encore se servir de nous comme piédestal pour s'élever, ils n'y parviendront pas. Comme hier, l'étendard aux couleurs du patriotisme et du nationalisme pragmatiques se lèvera pour leur faire à nouveau échec.

Congo Vision: Joseph Olengankoy réclame un débat télévisé avec les opposants candidats à la vice-présidence. Qu'en pensez-vous?

R. Lumbala: Cette question concerne ceux qui sont engagés dans la candidature à la vice - présidence au sein de l'opposition. Ils sont les mieux placés pour savoir ce qui leur convient. Par contre, en tant que citoyen, je ne suis pas convaincu qu'il suffise d'un débat télévisé pour déterminer la carrure de la personne la mieux à même d'occuper la fonction de vice - président pour le compte des partis de l'opposition. Il est plus que temps de sortir de la logique du dire pour privilégier celle du faire. Il ne s'agira pas à ce poste de bien envelopper les mots, mais de diriger une commission interministérielle. Cela signifie par exemple être capable d'établir, sans forcer sur sa nature, des passerelles entre les diiférentes sensibilités politiques pour former un tout cohérent, celà signifie beaucoup de choses qu'un débat ne peut seul définir. L'idée est intéressante, mais je doute qu'elle soit suffisante.

Congo Vision: Le Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma) vient de proposer que les institutions de transition prévues par l'accord de paix de Pretoria du 17 décembre soient mises en place avant le 8 mars 2003. Croyez-vous que cela soit possible?

R. Lumbala: Les institutions doivent être mises en place, dès lors que les conditions optimales de leur action seront réunies. Avant, ce serait trop tôt, après ce sera un peu tard.

Congo Vision: Une certaine opinion estime qu'une transition sans Etienne Tshisekedi wa Mulumba à la vice-présidence serait catastrophique pour le pays. Votre réaction ?

R. Lumbala: Ceux qui pensent ainsi, ont tout à fait le droit de croire que sa participation pourrait apporter au pays, compte tenu des informations dont ils disposent. Néanmoins, j'invite tout le monde à sortir très vite du sentier dangereux de la personnalisation du débat. C'est une erreur qui conduit aux pires déceptions. Si l'on met en place les conditions du choix du vice - président, c'est à celui qui sera désigné d'assumer la fonction, quel qu'il soit, pour l'intérêt de la nation. Tout le monde devra l'accepter, en tant que tel. Quel que soit son nom.

Congo Vision: Les garanties de sécurité prévues dans l'accord font redouter le pire aux leaders du RCD et du MLC. Comment peut-on solutionner ce problème ?

R. Lumbala: En donnant la responsabilité de la sécurité des acteurs de la transition à la communauté internationale. Elle l'a fait ailleurs, dans des pays tels le Kosovo ou l'Afghanistan. Pourquoi en serait - elle incapable au Congo? Il faut bien comprendre que cette question est la pierre angulaire de la réussite de l'accord de Pretoria. Parce qu'il est clair que la confiance n'est pas encore totalement ancrée dans la pratique! Aujourd'hui, ceux qui se proposent d'assurer notre sécurité sont les mêmes qui n'ont pas pu assurer la sécurité du défunt président Kabila. Ne trouvez - vous pas qu'il y a une erreur quelque part?

Congo Vision: Le président Joseph Kabila vient de lancer une invitation à tous les signataires de l'accord de Pretoria pour une concertation politique à Kinshasa. Le RCD et le MLC rejettent l'invitation. Votre réaction ?

R. Lumbala: Il y a un cap et un cadre qui ont été définis. Suivons-les. Respectons-les scrupuleusement.

Congo Vision: Quel doit être le profil des futurs animateurs de la transition?

R. Lumbala: Vous avez bien noté qu'il y a eu dans l'accord de paix signé à Pretoria des quotas par institution! Pourquoi? C'est parce que les acteurs sont imposés par les événements et la conjoncture. Ce sera donc à chaque mouvement, à chaque entité ou à chaque composante de faire ses choix librement.

Congo Vision: M. Eugène Diomi Ndongala, leader du FSD/DC, pense que Joseph Kabila, Jean-Pierre Bemba et Adolphe Onusumba doivent quitter l'armée pour devenir des hommes politiques. Votre réaction?

R. Lumbala: Je ne me détermine pas en fonction des uns ou des autres. Mon analyse est dictée par mes convictions et par les principes auxquels je crois. C'est pourquoi j'évite les questions de personne. Il est courant, et l'histoire politique contemporaine le prouve, qu'un chef de l'état soit chef des armées. Ainsi, est-il conseillé à un soldat qui aspire à devenir chef de l'état de quitter l'armée, ne serait - ce que le temps de l'élection ou de son mandat, s'il est élu, de façon à éviter l'interférence des hiérarchies, militaire et politique. Comme les citoyens sont égaux en droit et en dignité, ce qui est valable pour le soldat devrait l'être pour l'officier supérieur. A chacun de se déterminer selon sa conscience.

Congo Vision: La guerre qui a commencé le 2 Août 1998 a causé la mort de plus de 3 millions des Congolais. Quelle est la meilleure façon d'honorer la mémoire des victimes?

R. Lumbala: La meilleure façon d'honorer la mémoire des victimes est d'abord de reconnaître que nous avons tous pu causer du tort à autrui. Car, malheureusement, dans un conflit surtout armé, il y a souvent des victimes innocentes qui paient un lourd tribut. Au nom de la nation, la meilleure manière d'honorer ces morts est d'adopter une attitude résolûment tournée vers la consolidation de la paix et la construction du nouvel édifice espéré et attendu par tous: un état de droit où la paix, la justice et le développement triomphent.

Propos receuillis par Sylvestre Ngoma, Congo Vision

Interview réalisée le 08 janvier 2003 et actualisée le 12 Janvier 2003.

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