En exclusivité: Interview avec le Professeur Pius Ngandu Kashama
Professeur Pius Ngandu Kashama: "La littérature nous apprend qu'il ne faudra jamais céder aux images néfastes et insultantes que les charlatans cherchent à nous imposer. Nous n'avons jamais été un “Peuple maudit” comme ils veulent nous le faire croire, et les Congolais de l'étranger ne sont pas tous des “ngulu” ni des délinquants accourus en Europe dans l'intention de “kobeta libanga” ou de propager des comportements irréfléchis en bafouant les lois des pays hôtes."
Congo Vision reçoit le professeur Pius Ngandu Nkashama. Pius Ngandu Nkashama est Professeur de Langues et Littératures Françaises et Francophones à la Louisiana State University à Baton Rouge en Lousiane (USA). Il est aussi le Directeur du LSU Center for French and Francophone Studies au sein de la même université. Spécialiste mondialement reconnu des littératures africaines francophones, mais aussi remarquable écrivain, dramaturge et poète, Pius Ngandu Nkashama a publié plus de cinquante ouvrages en français ou en cilubà. Pius Ngandu Nkashama a reçu en 2004 le Prix Fonlon-Nichols qui récompense valeurs démocratiques, pensée humaniste et excellence au plan littéraire chez un auteur d'origine africaine. Il aura 60 ans l'année prochaine.
Congo Vision : Pour commencer, comment vous définiriez-vous, professeur Ngandu Nkashama?
Professeur Ngandu Nkashama : Question difficile et bien complexe, car un être humain appartient à plusieurs univers à la fois. Une réponse immédiate serait la référence aux lecteurs potentiels, qui seront d'abord mes compatriotes. Auquel cas, la définition préalable reste mon appartenance à un pays qui s'appelle le Congo. Là où je suis né et où j'ai grandi. Mais également la terre de mes Ancêtres à laquelle j'ai lié mon destin personnel. Ma préoccupation essentielle reste l'avenir de cette terre, en cette circonstance dramatique des guerres, des massacres, des pouvoirs politiques délétères, des incertitudes concernant les futures élections. Me définir par rapport aux puissances de ce monde qui construisent un puzzle d'horreurs afin de mettre mon pays “sous la tutelle de la communauté internationale” . Aucune autre expérience de ma définition à la fois individuelle et collective ne pourrait effacer la tragédie qui nous concerne tous, et pour laquelle nous portons tous et indistinctement une responsabilité morale devant l'histoire, devant les générations à venir.
Congo Vision : Vous êtes un des auteurs congolais les plus connus. Pourtant, depuis 1982 vous prestez en dehors du pays. À quoi attribuez-vous votre popularité?
Professeur Ngandu Nkashama : En dehors du pays physiquement, mais j'ai conservé des relations étroites avec les Collègues de l'Université et de l'Enseignement ou du monde de la culture. Toujours très proche de ma famille restreinte ou élargie, mais aussi de mes amis qui me témoignent beaucoup de respect et de considération. Et puis, le pays, chacun peut le “porter en lui”, car il faut penser que la plupart d'hommes politiques ou scientifiques qui physiquement sont présents à Kinshasa ou ailleurs, se conduisent réellement comme si ce pays ne leur appartenait pas (ou plus). Tous les jours que Dieu fait, je consacre deux heures de mon temps à parcourir les journaux publiés sur Internet ainsi que tous les sites connus, dont le vôtre que j'apprécie pour la qualité de ses reportages. Les débats sur les “Forums” m'apportent des éléments impressionnants pour évaluer la situation objective des querelles ainsi que des contradictions des uns et des autres. Et bien entendu, certains de mes Collègues et amis me font parvenir des ouvrages publiés sur le pays dans tous les domaines: romans, essais, économie, politique, et culture. Il ne m'est pas possible d'envisager des enseignements dispensés ou des conférences organisées sans me référer aux réalités du Congo. Et j'ai toujours clamé en public que s'il existe une cause pour laquelle je suis prêt à consacrer mon existence et ma vie, c'est bien celle du Congo. Et ce n'est pas du tout une image de rhétorique. Lorsque le Comité de “ African Literature Association ” m'a remis le Prix “Fonlon-Nichols” (2004), je l'ai répété haut et fort devant la communauté rassemblée.
Congo Vision : Vous êtes présentement Professeur au département de Français de Louisiana State University aux États-Unis. Quelle différence observez-vous entre les pratiques de l'enseignement de la littérature dans cette institution et à l'Université de Lubumbashi où vous aviez enseigné il y a plusieurs années?
Professeur Ngandu Nkashama : Il faudrait noter que je suis passé par de nombreuses Institutions d'Europe ou des Amériques, et j'ai enseigné dans différentes Universités de l'Afrique francophone. Après huit années en Algérie (1982-1990), j'ai passé dix années difficiles et exaltantes aussi en France, à Limoges, ensuite à Paris III-Sorbonne Nouvelle où j'ai été titularisé pour la chaire de Littératures francophones. Par rapport à ces institutions d'enseignement, la pratique pédagogique des États-Unis semble totalement décalée des objectifs théoriques qui sont répandus dans le monde francophone. La littérature apparaît plutôt comme un espace de liberté à partir duquel les Peuples tentent de donner un sens concret à leur expérience en tant que communauté. Paradoxalement, les instances de décision aux U.S.A. prennent les productions fictionnelles tellement au sérieux qu'elles leur confèrent un coefficient de crédibilité plus conséquent par rapport aux autres études dites “scientifiques”. Dans ces derniers domaines concernant les économies, les systèmes politiques, les données climatiques, géologiques ou minéralogiques, ils se réfèrent exclusivement à leurs propres compétences. Mais quand il s'agit d'une compréhension probable des références anthropologiques, culturelles ou simplement historiques, ils privilégient les textes des écrivains de ces pays, et ils leur témoignent de la considération. Pensez que les ténors des Écrivains africains ont été engagés dans les Universités américaines les plus valables, et ils bénéficient des postes prestigieux. Et ceci ne se réduit pas aux seuls Africains, car ils proviennent de tous les horizons et de tous les pays, y compris les meilleurs Écrivains de France. Nos pays n'ont pas encore compris cette logique, et le vide intellectuel ainsi produit joue certainement sur l'évolution des régimes qui gouvernent en Afrique. Le monde de ce millénaire appartient aux Nations qui auront réussi à rassembler autour d'elles des Intellectuels de haut niveau dans tous les domaines, et plus particulièrement en sciences humaines. Les technologies les plus performantes peuvent s'acquérir avec des capacités financières colossales. À l'étape actuelle de la science, n'importe quelle Nation motivée peut se doter de l'arme nucléaire ou de tout autre potentiel atomique si elle s'en donne les moyens et la volonté de réussir. Mais aucun Peuple ne peut emprunter un univers culturel même commercialisé par des logiciels s'il refuse de reconnaître son propre imaginaire. L'époque des infantilismes et des amateurismes politiques est révolue, et ceux qui persistent à tolérer des individus peu crédibles au niveau de l'intelligence des actes et des événements contribuent à la destruction des valeurs et donc au désastre permanent de notre pays.
Congo Vision : Vous aurez 60 ans l'année prochaine, qu'est-ce que cela vous inspire?
Professeur Ngandu Nkashama : Rien de particulier: l'approche de la fin de toute une existence (sans aucune panique visible). La pénible impression que les idéaux d'enfance et d'adolescence ne se sont pas réalisés. Le sentiment d'inachèvement en relation avec la tragédie nationale, et parfois le découragement devant la catastrophe qui nous frappe tous, jusqu'à nous imposer des dirigeants que nous n'avons jamais mérités. L'année de mes soixante ans qui sera aussi celle des élections: lesquelles? Une affliction et une tristesse éternelle, rien que d'y penser. Et pourtant, je souhaite tellement pouvoir passer cet Anniversaire au pays en compagnie de tous les miens et au milieu des Amis qui me sont tellement chers: ils m'ont vu souffrir, ils ont porté tant de détresses avec moi, j'ai partagé avec eux les moments les plus euphoriques, mais aussi les plus douloureux. Mes collègues de l'Université d'ici et de là-bas, ceux de la Poésie et de la fiction romanesque. Faire de ce temps un moment passionnant favorable à la littérature de mon pays, en compagnie de ceux que j'ai lus, appréciés, aimés… Célébrer un cycle de fierté avec mes copains du Cinéma qui remportent des Prix dans les Festivals, et que j'admire trop, loin des turpitudes politiques. Encore un rêve qui risque d'avorter?
Congo Vision : Vous suivez certainement l'évolution de la littérature au Congo et en Afrique. Quelle lecture faites-vous de la production littéraire actuellement en RDC et en Afrique?
Professeur Ngandu Nkashama : Au regard des circonstances dans lesquelles ces Écrivains évoluent, ils méritent des palmarès élogieux par rapport aux Auteurs des autres pays d'Afrique. Les maisons d'Éditions en particulier celles situées en France ont des tendances fâcheuses car ils privilégient souvent leurs anciennes colonies, et parfois nous paraissons comme des intrus à l'intérieur de ces forteresses trop bien protégées par des structures éditoriales (trop commerciales) contraignantes. Malgré les réticences, en littérature comme dans les autres domaines de l'enseignement universitaire, la production fictionnelle du Congo est parmi les plus prestigieuses. En effet, elle compte des écrivains et des critiques qui se sont imposés comme des références exclusives. “Kubala umwa nkudibala” comme le disait Pépé Kallé, et je me réserve de citer des noms que tout le monde connaît dans les Institutions et les cercles littéraires. Savez-vous qu'actuellement et au grand dam des antiques métropoles coloniales qui ne nous le pardonnent pas, deux Écrivains du Congo passent pour les commentateurs les plus recherchés dans la production romanesque concernant les conflits psychologiques des Belges? Lisez attentivement Patrick et les Belges (2001) ou encore L'enterrement d'Hector (2005). Si de telles œuvres pouvaient permettre d'apporter un autre sens à nos cultures, et d'interdire que la seule image du Congo se réduise aux performances des “ndombolo” occasionnels!… La littérature nous apprend qu'il ne faudra jamais céder aux images néfastes et insultantes que les charlatans cherchent à nous imposer. Nous n'avons jamais été un “Peuple maudit” comme ils veulent nous le faire croire, et les Congolais de l'étranger ne sont pas tous des “ngulu” ni des délinquants accourus en Europe dans l'intention de “kobeta libanga” ou de propager des comportements irréfléchis en bafouant les lois des pays hôtes. En France déjà, le nombre des Congolais qui enseignent dans les Établissements secondaires et supérieurs, y compris les Universités, est le plus élevé des ressortissants de leurs propres anciennes colonies. Il n'est pas vrai du tout que nous n'avons pas des compétences requises pour diriger nous-mêmes notre pays, bien au contraire.
Congo Vision : Vous avez beaucoup écrit. Quelle est, à votre avis, votre meilleure publication?
Professeur Ngandu Nkashama : Un auteur a toujours été un mauvais juge concernant ses propres œuvres. Néanmoins, j'ai toujours considéré le récit Un jour de grand soleil comme le livre qui correspond plus ou moins fidèlement à ma théorie du roman. Le jugement de plusieurs critiques ont cependant porté davantage sur Le pacte de sang, texte qui a inspiré des thèses et des ouvrages de synthèse. Peut-être parce que la description de la dictature semble la mieux documentée par rapport aux ouvrages de l'époque (1984). J'ai toujours éprouvé une joie intense à chaque fois que j'ai assisté à des spectacles et récitals où des extraits de mes deux romans Yakouta ou de Le doyen marri avaient été sélectionnés par les acteurs. Depuis mon passage à l'Institut National des Arts (1979-1980) et mes relations avec le monde de la dramaturgie du Théâtre National, j'estime pourtant que le jeu de la scène reste un langage plus direct et mes pièces qui ont été jouées partout tentent de l'exprimer avec plus de clarté, notamment Bonjour Monsieur le Ministre! toujours d'actualité avec les remaniements intempestifs des gouvernements aléatoires, et surtout L'Empire des ombres vivantes .
Congo Vision : L'école congolaise ou africaine remplit-elle aujourd'hui son rôle en matière d'éveil de conscience littéraire? À vos yeux, que faudrait-il réformer en matière de pédagogie de la littérature?
Professeur Ngandu Nkashama : La question est plutôt vaste, car je pense sincèrement que le déficit de l'enseignement dans les écoles du pays n'a jamais été un fait du hasard. Les autorités nationales, toutes tendances confondues, ont prolongé le principe d'une idéologie coloniale des belges: “pas d'intellectuels, pas de problèmes” . Tout a été fait pour que les mieux qualifiés dans tous les domaines quittent le pays ainsi que le proclamait le Président-Fondateur du M.P.R.: “soki ozali d'accord na biso te, kende epayi mosusu” . Ils nous ont discrédités de manière délibérée et ils ont poussé les plus méritants à un exil déplorable, tout autant que les prédateurs de la Transition exercent des pressions incroyables pour que des milliers d'Étudiants et d'Enseignants se trouvent des refuges précaires en Europe comme demandeurs d'asile ou comme des “ngulu” de triste réputation. Un hommage particulier doit être rendu à ceux qui résistent, et qui ont de l'enthousiasme pour travailler dans l'enseignement au pays même, malgré les épreuves et les conditions difficiles. La manière dont les grèves des Enseignants ont été gérées dernièrement confirme cette prise de position. L'école contribue réellement à l'éveil littéraire (et à l'éveil tout court), car nous restons l'un des rares pays d'Afrique où un Écrivain jouit d'une totale audience et inspire beaucoup de respect. Mon dernier voyage au pays m'avait réconforté, et contrairement aux apparences, la pédagogie des littératures demeure un acte déterminant dans la vie nationale. J'ai toujours condamné ceux qui ramènent la vie intellectuelle aux tribulations des orchestres de musique, en oubliant l'effort considérable de nombreux Congolais qui ont brillé dans le monde entier en matière de littérature, aussi bien celle en français que celle en langues nationales pour laquelle nous sommes comptés parmi les pionniers en Afrique.
Congo Vision : Comment re-dynamiser l'écriture, la littérature et le livre en RDC et en Afrique?
Professeur Ngandu Nkashama : Il faut commencer par reconnaître qu'elle est déjà dynamique: des oeuvres de talent, des Écrivains courageux qui ont défendu les idéaux de tout un Peuple malgré les dénégations de toutes sortes. Nous avons été parmi les premiers Écrivains du continent en langues africaines depuis les premiers temps de la colonisation. Des thèses mémorables qui sont reconnues comme des paradigmes dans les littératures africaines, des Colloques et des Séminaires tenus avec conviction. Et surtout l'espérance tenace: stabiliser avant tout la situation politique, et exorciser par la littérature toutes les ignominies ainsi que les trahisons que nous subissons actuellement. Joseph Muntwali a souvent parlé de cet exorcisme dans ses travaux de critique. Plus qu'un exercice intellectuel, nous avons une mémoire historique à réhabiliter. La honte est trop forte devant les menaces des pays voisins qui ont des prétentions débiles, et surtout devant l'entêtement d'une “Communauté internationale” hypothétique, préoccupée plus des intérêts boulimiques des multinationales plutôt que de la Paix en faveur de notre pays. Je félicite déjà mes compatriotes qui se dépensent pour soutenir les maisons d'éditions à Kinshasa ou en province, ceux qui tiennent des Colloques sur ces œuvres littéraires comme celui de Lubumbashi de l'année dernière et qui ont un retentissement énorme au-delà des frontières. Je rends hommage aux Journaux de Kinshasa qui ont contribué avec beaucoup d'efficacité à l'épanouissement de ces manifestations culturelles, car ils rendent compte de tous les événements avec compétence et beaucoup de conviction.
Congo Vision : Quelle est la place des littératures en langues locales dans le développement culturel de l'africain et du congolais? Que pensez-vous de l'avenir de l'écrit, du livre au Congo? L'anglais continue à étendre son emprise. Quel avenir entrevoyez-vous pour le français en Afrique? N'est-il pas temps d'orienter carrément notre système éducatif vers l'anglais?
Professeur Ngandu Nkashama : Les littératures en langues africaines jouent un rôle déterminant à l'avantage du développement pour nos Peuples. Personnellement, j'ai publié en cilubà des romans (Bidi ntwilu et Mulongeshi wanyi qui a remporté le Prix “Tabalayi”) et des recueils de poésie (Tuntuntu ntuntu) (Ngandu wa Kalonji) et je prépare un récit en respectant le lingala des Internautes qui me fascine terriblement. J'ai rédigé un manuel sur ces littératures et notre Congo y joue un rôle primordial, Littératures et écritures en langues africaines (1991). Des archives existent en Belgique, à l'Afrika-Studiecentrum de Leiden aux Pays-Bas, à la Bibliothèque Nationale de Paris ou à l'Université de Mainz (Mayence), et dans plusieurs Universités américaines avec des ouvrages rédigés dès le début du XXe siècle dans les principales langues nationales.
J'ai effectué mes études du primaire en cilubà et cela ne m'a pas empêché d'accéder au “Doctorat d'État ès lettres et sciences humaines” à l'Université de Strasbourg en France (1981). La “francophonie” chez nous est un leurre et elle tourne souvent à la supercherie diplomatique. Elle reste trop marginale, avec à peine cinq pour cent de locuteurs potentiels, selon les statistiques crédibles des institutions officielles. L'avenir de la langue française en France même ne résiste pas aux bourrasques du ”commerce international”, et il est inutile d'imaginer que les Peuples jadis colonisés pourraient la sauver du naufrage.
Dans toute l'histoire de la linguistique, les langues évoluent selon leur propre logique qu'aucune loi ni aucune condescendance des hommes ne peut arrêter. Nul ne peut décréter arbitrairement que telle langue va dominer et telle autre disparaître. Il convient d'observer par ailleurs que les concepts de “langue tribale” sont totalement dépassés, car il n'est pas possible d'imaginer que les sept à huit millions de Bakongo (plus de quinze millions s'il faut compter les régions périphériques) constituent une tribu ou que les dix millions de Baluba restent inféodés à une identité tribale. La question a toujours hanté les imaginations, car le danois parlé par cinq millions de locuteurs est décrit dans les manuels comme une langue, alors que le swahili avec ses trente millions de locuteurs reste classé parmi les dialectes. L'aberration totale! Les langues nationales se développeront avec la prise de conscience de notre identité commune, de notre volonté à nous réapproprier notre destin, de notre décision pour nous prendre en charge, sans rien attendre de la part de ces aventuriers juristes occidentaux sollicités pour rédiger la “Constitution” qui doit gérer la vie de soixante millions de Congolais. La défaite suprême!
Congo Vision : Des personnalités littéraires de votre acabit ont certes une responsabilité sociale et académique en ce qui concerne la re-dynamisation de la littérature congolaise et africaine. Comment remplissez-vous votre part du contrat? Professeur Ngandu Nkashama : Déjà par le nombre estimable d'ouvrages que j'ai déjà écrits sur la littérature congolaise, dont quelques titres: La terre à vivre: la poésie du Congo-Kinshasa (anthologie) (1994), Le livre littéraire: bibliographie de la littérature du Congo-Kinshasa (1995). Je reste disponible pour tous les projets réalisés par mes Collègues de Brazzaville et de Kinshasa sans restriction aucune. Des articles et de nombreuses communications à des Colloques et des rencontres internationales. Dans mes anthologies et ouvrages critiques, les littératures du Congo bénéficient toujours d'une part correcte, avec des chapitres entiers ou des commentaires assidus: Littératures africaines: 1930-1982 (anthologie critique) (1984), L'Afrique noire en poésie (1985), Écritures et discours littéraires: études du roman africain (1991), Théâtres et arts du spectacle: étude sur les dramaturgies et les signes gestuels (1993), Les années littéraires en Afrique: 1912-1987 (1993), Écritures littératures: dictionnaire critique des oeuvres africaines en langue française (2002, 2 Volumes). Et de tout temps, j'ai encouragé les Jeunes auteurs à se faire publier, en leur consacrant mes énergies pour l'élaboration technique des ouvrages ou des conseils pratiques pour la rédaction des romans et de la poésie. Je profite de l'occasion pour remercier de tout cœur ceux qui m'ont témoigné leur confiance en toute circonstance (en particulier Alexie Tcheuyap). Ils demeurent mes seules références acceptables dans le domaine de la textologie.
Congo Vision : Quel est le meilleur conseil que Professeur Ngandu Nkashama peut prodiguer aujourd'hui à la jeunesse congolaise en quête des lendemains meilleurs?
Professeur Ngandu Nkashama : Dans l'état actuel de notre pays, le meilleur conseil est à donner aux aînés et aux responsables nationaux: nous avons le devoir moral d'écouter les Jeunes. Il faut savoir que les moins de vingt ans constituent plus de soixante pour cent de la population totale. Cela voudrait dire que le pays leur appartient en premier lieu. Les souffrances des guerres et des luttes insensées, les répressions politiques des dictatures successives, ce sont eux qui les ont subies dans leur chair et dans leur corps. Lorsqu'ils hurlent, nous devons nous sentir effrayés par leurs colères. Et le jour où ils ne pourront plus contenir leur désespoir, ils se mettront à détruire la nation entière et nous n'aurons jamais les moyens nécessaires pour les calmer. C'est maintenant qu'il faut les apaiser, en leur accordant la parole, et ne jamais penser que nous avons toujours raison et qu'ils ont toujours tort. Il faut croire qu'à chaque fois que ces jeunes ont déferlé sur les forteresses des nantis, ils ont tout balayé sur leur passage et ils ont défait les armées les mieux organisées du continent. Que dire alors de notre pays qui en a fait l'amère expérience depuis plus de vingt années de lutte contre les despotismes mal éclairés?
Congo Vision : Un message du Professeur Ngandu Nkashama?
Professeur Ngandu Nkashama : Ne jamais céder aux querelles intestines de ceux qui prédisent notre débâcle. Rien ni personne ne nous arrachera le destin de notre Histoire. Ce pays nous appartient comme un bien inaliénable. Le moment sans doute pour reprendre cette maxime du sage: “je veux bien que quelqu'un me prenne pour un imbécile, mais je n'admettrai jamais que quelqu'un arrive à me convaincre de me prendre moi-même pour un imbécile. Celui qui oserait me traiter ainsi, je dois le considérer comme un parfait imbécile!”. Maîtriser la “Culture” ne signifie pas autre chose que prévenir l'imprévisible, devancer les catastrophes naturelles ou non, retrouver dans les événements du passé les éléments pour des réponses adéquates aux questions de demain. Elle est bel et bien terminée cette époque dramatique des “Damnés de la terre” . Elle a été conjurée, et définitivement, la “Malédiction des Fils de Cham” . Nous sommes des Peuples Libres, et nous ne le savions donc pas? La grande défaite pour toute société vient d'abord d'une dérive de la culture. Il suffit de rappeler que la dictature du “Mouvement Populaire de la Révolution” ne s'est vraiment affirmée que lorsque les spécialistes de Makanda Kabobi ou ceux de la MOPAP de triste renommée ont découvert cette “arme mystérieuse”: “l'animation culturelle” . Ils avaient dévié complètement de la méthodologie préconisée par la philosophie primordiale de Mabika Kalanda, celle d'une “remise en question: base d'une décolonisation mentale” . Lorsque les Gouvernants dénient aux hommes de Culture toute capacité pour réfléchir en les traitant de subversifs, ils se transforment en dangereux gangsters et ils annoncent les dérisoires “ républiques bananières ” tant décriées sur notre Continent. Mais les phraséologies politiciennes ont une précarité affligeante, et seuls les Peuples qui ont foi en eux-mêmes peuvent triompher et remporter toutes les conquêtes…
Propos recueillis par Sylvestre Ngoma
Novembre 29, 2005 Contact:
NGANDU, Pius Nkashama
Department of French Studies
Louisiana State University (Baton Rouge, U.S.A.)
nngand1@lsu.edu
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