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INTERVIEW AVEC Dr. PIERRE ANATOLE MATUSILA DE LA SOCIETE CIVILE RDC

Congo Vision: Qui êtes-vous, Docteur MATUSILA ?

Dr. Matusila: Il a toujours été difficile à un individu de se faire une présentation cohérente. Néanmoins, je m'en vais vous dire en gros que Docteur Pierre Anatole MATUSILA, je suis marié et père de famille. Je suis médecin, spécialiste en radiologie ; et à ce titre, je tiens depuis près de deux décennies un Centre médical spécialisé de radiologie (Cabinet Dr MATUSILA/Radiodiagnostic et Imagerie médicale, jadis Centre Kinois de Radiognostic et d'imagerie médicale ou CKR), dont je suis le Médecin Directeur. Avec cette entreprise, je suis membre de la Fédération des Entreprises du Congo. Président honoraire du Conseil d'orientation de la Campagne Nationale pour la Paix Durable en République Démocratique du Congo (CNPD), Je suis également le président national du Conseil de l'Apostolat des Laïcs Catholiques du Congo (CALCC) ; membre élu et Porte-Parole de la Société Civile/Forces Vives au Dialogue intercongolais. J'ai été durant 3 ans (1980–1983) Médecin de l'Equipe nationale de football, « Les Léopards » et aussi Membre fondateur de la Communauté Internationale des Hommes d'affaires du Plein Evangile ( FGBMFI) en République Démocratique du Congo.

Congo Vision: L'actualité du pays est encore dominée par le Dialogue intercongolais (raté ou non) de Sun City, le fameux accord partiel de Sun City, le prochain Accord global inclusif, les différents accords de Luanda et de Pretoria. Qu'est-ce que tout ça augure pour le peuple congolais ?

Dr. Matusila: Depuis la signature de l'Accord de Lusaka, et même peu avant, le microcosme politique congolais est en ébullition. Il y a un processus qui a été enclenché et qui continue, malgré les turpitudes que cela comporte. Il convient également de souligner qu'en matière de négociations, le premier sacrifice c'est le temps. Il est donc utile de savoir perdre le temps pour mieux gagner, c'est-à-dire aboutir à des solutions pratiques, réalistes et durables. Pour revenir à l'actualité à laquelle vous faites allusion, je dirai que nous n'avons nullement le droit de sombrer dans un pessimisme, quelle que soit la tournure actuelle des choses. Nous continuons à espérer, en même temps que nous exhortons tous les protagonistes de considérer la misère de nos populations qui a atteint le paroxysme. Par ailleurs, le peuple congolais ne doit toujours pas continuer à subir les états d'humeur de ses leaders. Il doit plutôt s'approprier le processus, son processus, afin d'amener les différents décideurs de prendre des engagements et les respecter ; il lui est nécessaire d'exiger et d'influer sur le cours des événements afin d'être à même de détenir un pouvoir des sanctions sur ses leaders soucieux de leurs propres intérêts. Donc, toutes ces tractations, nous le souhaitons et appelons de tous nos vœux, doivent augurer des lendemains meilleurs pour le peuple congolais ; laquelle situation devra, par « syndrome du soleil levant » comme aiment le dire les diplomates, s'appliquer sur toute la sous-region de l'Afrique centrale et pourquoi pas sur tout le continent africain.

Congo Vision: D'après vous, pourquoi les travaux de Sun City ont-ils capoté ?

Dr. Matusila: Les travaux de Sun City n'ont pas du tout capoté, comme vous le dites, pour la simple raison qu'ils ont accouché d'un accord, partiel soit-il. En effet, il est important de préciser que pour le Dialogue intercongolais, les Forces Vives de la nation étaient déterminées à consacrer leurs énergies à ce travail de ré-fondation de l'Etat dont l'objectif se résume en 3 points :

D'abord, mettre fin à la guerre (rébellion et agression) et réunifier le pays, politiquement et militairement, en mettant en place une armée unique et une seule administration garantissant la mobilité des biens et des personnes, gage d'une reprise réelle de l'économie. Pour ce faire, le Dialogue inter congolais devrait instaurer un Nouvel Ordre Politique consensuel.

Ensuite, mettre en place des mécanismes pour organiser des élections démocratiques, libres, transparentes et honnêtes.

Et, enfin, réaliser la réconciliation nationale.

Par ailleurs, les travaux de Sun City n'ont nullement connu un échec. En tant qu'étape importante dans le processus en cours, Sun City était une occasion pour les congolais de divers horizons et sensibilités en belligérance de se parler, en dépit des couacs souvent enregistrés. Ce qui est normal en négociation, singulièrement dans la pratique de la démocratie. N'est-ce pas que nous voulons instaurer l'Etat de droit ? Ce rendez-vous historique a permis, à l'issue des débats dépassionnés, l'adoption des 37 résolutions pertinentes pour le redressement de la situation catastrophique du pays et des Grands lacs.

En dépit de la commission politique et juridique tout comme de la commission Défense et sécurité, les trois autres commissions ont effectivement achevé leur travail. En plus, à défaut, pour tous les participants au Dialogue intercongolais, d'adopter un accord commun, Sun City a accouché d'un accord par défaut ; lequel a ouvert une brèche aux non signataires, notamment le RCD/Goma. Même si, par rapport à certaines de ses clauses, cet Accord n'a pas connu un début d'exécution, nous pouvons affirmer sans ambages qu'il a prouvé ses mérites : l'accalmie dans les fronts ; les efforts de la réunification de 70 % du territoire ; la circulation des personnes, biens et marchandises ; la reprise du trafic sur le fleuve; pour ne citer que ceux-là. Bien qu'aujourd'hui l'ardeur semble s'estomper à cause de la conjoncture qui ne l'a pas été très favorable.

A ces jours, et au regard de l'évolution positive des contacts politiques (toutes les composantes et entités au Dialogue intercongolais) et diplomatiques (avec le Rwanda et l'Ouganda) menés par l'Envoyé Spécial du Secrétaire général des Nations Unies, M. Moustapha Niasse, nous espérons à la conclusion d'un accord global et inclusif.

Congo Vision: Après Sun City, vous vous êtes aussi retrouvé à Matadi, pourquoi les signataires de Sun City ne se sont-ils plus mis d'accord à Matadi ? L'Accord de Sun City comportait-il en son sein des germes de conflictualité ?

Dr. Matusila: La signature de l'Accord de Sun City avait redonné de l'espoir à la population que la guerre a chosifié. Mais, nous vous avouons que sa mise en application a révélé la complexité de la crise congolaise aux implications internationales indéniables.

Il faut tout d'abord noter d'une part qu'à Matadi, les signataires de l'Accord de Sun City, les plus intéressés, se sont avisés eux-mêmes de rédiger le projet de Constitution ; et ils y ont entraîné leurs divergences politiques ainsi que leurs différences d'interprétation. Ce qui a conduit à une impasse. Surtout que le Gouvernement et le MLC avaient une attitude attentiste. L'accord reste néanmoins la loi des parties.

A partir de ces éléments d'analyse, il y a lieu d'affirmer que les Congolais ne font pas suffisamment preuve de volonté politique pour mettre un terme à la crise. En outre, il faut noter qu'au niveau national, des problèmes fondamentaux persistent : le pays n'est pas effectivement dirigé ; les belligérants tiennent à faire prévaloir la force des armes pour leur accession au pouvoir d'Etat.; le RCD/Goma, une partie de l'Opposition politique et des Forces vives refusent d'adhérer à l'Accord de Sun City et continuent à exiger le retour à la table des négociations. D'autre part, sur le plan régional, les revendications sécuritaires du Rwanda ainsi que les conséquences du génocide sont autant des facteurs qui doivent nous amener à nous débarrasser des bandes armées encombrantes que le pays avait été contraint d'offrir une hospitalité extrêmement coûteuse.

Par ailleurs, d'aucuns pensent même que cet accord traduit les rivalités tant politiques qu'économiques entre les membres de la Communauté Economique pour le Développement de l'Afrique Australe (SADC) par le fait qu'il a été soutenu par l'Angola et le Zimbabwe au détriment d'Afrique du sud qui préside l'Union africaine et considérée à tort ou à raison comme alliée privilégiée du Rwanda.

Rappelons qu'elle est particulièrement intéressée par le dossier congolais à travers notamment l'appui à la médiation de Moustapha NIASSE et, récemment, avec les éléments mis à la disposition de la MONUC dans le cadre de révision/augmentation de son effectif. Rappelons qu'aux travaux à Matadi, en plus de celles mineures, deux divergences fondamentales (l'Investiture du Premier Ministre désigné et l'Armée) ont persisté et que les négociations entre le Mouvement pour la Libération du Congo et le Gouvernement (sous la médiation du Bureau du Praesidium) n'ont pas permis de les aplanir.

Congo Vision: Question terre-à-terre, l'argent, une fois de plus, a-t-il oui ou non circulé à Sun City pour les différentes signatures apposées ? Si oui, en avez-vous reçu, par qui, comment, combien ?

Dr. Matusila: Je tiens à relever que les Congolais sont passés maîtres dans la rumeur. Si l'argent a réellement circulé, il devrait s'être agi de l'œuvre d'une personne. Alors, pourquoi a-t-on peur de citer ou de dénoncer cette personne ? Encore qu'il ne s'agit, une fois, que de rumeurs. Moi, je ne voudrais pas m'attarder sur un aspect sans fondement. Par ailleurs, il a toujours été de mauvais aloi de vouloir accuser, mieux calomnier des personnes, dans l'unique dessein de vouloir se positionner. J'ai eu à répondre à des questions de cette nature, dès la fin des travaux de Sun City.

Loin de moi le désir de faire l'avocat de qui que ce soit, je tiens à vous rassurer, pour ma part, que grâce à ma formation et dans ma carrière de médecin, j'ai appris à vivre du fruit de mon travail. Et que si l'argent a circulé ou non à Sun City, il serait souhaitable que l'on présente les preuves et que l'on établisse des responsabilités individuelles, au lieu de vouloir mettre tout le monde dans le même sac des corrupteurs et des corruptibles. Le sens de l'honneur ne nous dispose pas à ce genre de basse besogne.

Congo Vision: Avez-vous quelques anecdotes et faits divers vécu à Sun City et à Matadi ?

Dr. Matusila: A Sun City comme à Matadi, je suis allé travailler pour la patrie ; et j'ai eu à me consacrer à ce pour lequel je m'étais déplacé. Si anecdote il y a, ce sont peut-être les notes que prenais en vue d'en faire une restitution aux Forces Vives de la nation. De Gaborone à Addis-Abeba, je me suis investi avec la même ardeur, ainsi que vous pouvez le lire dans la publication y relative, sous le titre : Dialogue intercongolais, de Gaborone à Addis-Abeba. Restitution aux Forces Vives de la Nation. Quant aux étapes de Sun City et de Matadi, l'ouvrage est sous presse. C'était ça mon unique sujet de préoccupation pendant le temps que prenaient les travaux dans ces différents rendez-vous de l'histoire de notre pays.

Congo Vision: Comment, dans une telle bouillabaisse, la paix peut-elle revenir au Congo ?

Dr. Matusila: Il convient d'avoir toujours présent à l'esprit le fait que la paix ne reviendra en République démocratique du Congo que lorsque tous les Congolais prendront conscience de l'absurdité de la situation actuelle que traverse le pays et diront ASSEZ ! C'est alors qu'ils s'investiront en conséquence. Nous devons tous être des acteurs de la paix et la vouloir véritablement afin d'en bénéficier. Voilà la condition pour que la paix revienne effectivement, si nous voulons écrire notre Histoire nous-mêmes.

Ainsi que je l'ai dit ci-haut, nous n'avons nullement le droit de verser dans le pessimisme. J'ai toujours fait confiance en l'homme, en sa capacité d'auto-assomption ; et, quelle que soit la durée de la nuit, dit-on, le soleil finit par apparaître. Néanmoins, nous exhortons seulement les uns et les autres à être plus réalistes vis-à-vis de la misère de nos populations et de faire preuve d'un minimum de volonté politique pour aller de l'avant. J'en profite pour lancer un appel pressant à la communauté internationale pour nous accompagner dans la réalisation du vœu de la population : la fin de la guerre et le développement.

Je me félicite que le Président américain, Georges W. Bush s'y emploie conséquemment pour que tous les problèmes soient définitivement résolus afin que le Congo joue le rôle de locomotive que lui reconnaît la Communauté internationale. Les récents développements de la situation (retrait des troupes étrangères du territoire congolais) en disent long.

Congo Vision: On a parlé tout au long de ces assises de la médiocrité de la classe politique congolaise, quel serait le remède miracle à un exorcisme politique collectif ?

Dr. Matusila: A cette question pertinente, il appartient au peuple congolais, souverain primaire, de prendre ses responsabilités et de sanctionner, le moment venu, la classe politique du pays que d'aucuns jugeraient de médiocre.

Congo Vision: Croyez-vous aux différentes médiations étrangères en faveur de la paix en RDC, Kethumile MASIRE, puis NIASSE.

Dr. Matusila: La République Démocratique du Congo ne doit pas évoluer dans une tour d'ivoire et pas plus qu'en ces temps où l'implication de toutes les bonnes volontés internes et externes est requise. C'est pour dire que toute initiative susceptible de nous ramener la paix en RDC est la bienvenue. Nous pensons que l'engagement du Secrétaire Général de l'ONU, avec la nomination de M. Moustapha NIASSE comme Envoyé spécial en RDC est de bonne augure. L'engagement du Président Mbeki, aux côtés Niasse, produit déjà des résultats encourageant (Niasse n'a plus besoin que de 6 à 8 semaines pour finaliser la mission qui a été confiée par M. Koffi Annan) et il ne reste plus qu'au Dialogue intercongolais d'endosser la finalité de cette entreprise. Par ailleurs, pourquoi les Congolais ne seraient-ils pas capables de s'assumer ? Nous avons toujours pensé que les Congolais doivent rester maîtres de leur Histoire, tout en acceptant de bon gré l'appui et l'aide de la Communauté internationale.

Congo Vision: S'il vous était demandé de pouvoir proposer une solution de sortie ?

Dr. Matusila: Une solution de sortie à proposer, je n'ai d'autres que celle qui est clairement donner par les Forces Vives, dans leur Cahier des charges et qui constitue pour nous le socle par excellence de la refondation de la Nation congolaise. Toutefois, les nouveaux paramètres susceptibles d'influer positivement sur le cours des événements seront analysés objectivement pour être intégrés dans la sortie de la crise.

Congo Vision: Avez-vous un autre souhait ?

Dr. Matusila: Mon souhait est de voir les choses aller de l'avant et vite. Les souffrances de nos populations ont déjà dépassé le seuil du tolérable. Trop c'est trop, j'en appelle à la conscience d'un chacun des protagonistes pour se rendre compte de la gravité de la situation que traverse le pays et, par conséquent, s'investir sincèrement et résolument à y apporter une solution définitive, durable et tout de suite.

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Propos recueillis par Norbert MBU MPUTU, Congo Vision.

03 Octobre 2002

 

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