CES EGLISETTES DE SOMMEIL QUI SEDUISENT LA DIASPORA
Par Norbert X MBU-MPUTU
norbertmbu@yahoo.fr
Des faits
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Norbert Mputu, Londres, UK |
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Dans une église à l'est de Londres. Une sœur est venue à l'église avec une belle voiture cylindrée qu'elle venait de s'acheter. Après le culte, elle appelle le pasteur pour la bénir. Ce dernier arrive, commence à prier et, tout de go, se met à parler en langues. Ils vocifèrent des paroles et des mots que lui seul comprend. Lorsqu'il retombe de sa transe religieuse, il prophétise : la voiture a des démons. C'est sûr, dit le pasteur, que la personne qui la lui a vendu y faisait des pratiques sorcières et démoniaques. La sœur le croit sur les lèvres. Deux jours après, elle a un accident, puis des pannes régulières. Elle finit par donner raison au pasteur et abandonne la voiture auprès d'un mécanicien qui la récupère et l'utilise à ces jours.
Un homme revient chez lui à la maison et se met à tabler. Il a juste le temps de soulever le couvercle d'un plat que sa femme sort de la cuisine en vociférant : « Cette nourriture est pour mon pasteur qui vient me rendre visite maintenant. Tu attends ». L'homme se fâche et casse les plats. La femme rétorque : entre mon pasteur et toi, je choisis mon pasteur. Un mois après, les deux divorcent.
Au début était le pentecôtisme
La nouveauté est apparue voici déjà trois décennies, à partir des USA d'où nous proviennent toutes les nouveautés. Au début, elles se faisaient appeler « des mouvements pentecôtistes » car l'effusion de l'esprit, avec le don de parler en langues, comme le jour de la pentecôte, semblait être leur action centrale. Un accent était mis sur le renouvellement de la vie du chrétien, le changement dans le comportement, des hommes et des femmes qui expérimentaient une autre expérience de Dieu dans leurs vies.
Nouveaux pasteurs
Tout tournait autour des nouveaux gourous, des pasteurs new look. Ils avaient reçu une vision et une mission spéciale de Dieu lui-même. Ils prêchaient l'évangile de Jésus-Christ. Ils baptisaient. Ils faisaient quitter Dieu et son culte des salles conventionnelles ou églises pour l'amener dans les lieux publiques : stades, carrefours, salle de cinéma. C'était la petite mode. Les nouveaux chrétiens se convertissaient aux sons des guitares, aux rythmes des danses. Le démon était chassé et poursuivi même dans les moindres coins et recoins où il se cachait. D'ailleurs, on semblait le voir partout. Le mouvement avait du succès et convertissait les « vieux » chrétiens fatigués d'avoir le salut par les sacrements. Ces nouveaux pasteurs étaient de vraies stars. Ils savaient haranguer. Ils savaient déplacer les foules, faute de ne déplacer les montagnes.
Plus, on se perdrait à se retrouver dans la nouvelle hiérarchie dans les chefs de nos nouveaux pasteurs. On y perdrait son latin. Par quel coup de bâton magique on devient pasteur ? Comment saute-t-on pour devenir prophète ? Qui a préséance devant l'autre le bishop ou l'évangéliste ? Qui se font nommer Docteur et pourquoi ? Autant de questions sans réponses.
Miracles et guérisons
Le monde lui-même, fatigué de chercher toujours un salut matériel, devant la technologie avançant à un rythme vertigineux, avait trouvé dans ces nouvelles églises et ses nouvelles expressions religieuse, un salut. D'ailleurs, on ne parlait plus des « sectes », mot à connotation péjorative. Mais, on disait désormais, nouvelles églises. Là, on faisait une autre expérience des évangiles. Jésus Christ étant le même hier, aujourd'hui et demain. La foi renouvelée et renouvelle guérissait. Les miracles étaient visibles. On les cherche et on le quémande. On en faisait de vrais shows radiotélévisés. Les guéris témoignaient à qui voulait les entendre comment Dieu avait « opéré ». Comment quelque chose s'était produite dans leur vie et dans leur corps. Des maladies incurables avaient disparues.
Les Églises mères
Les Églises établies et conventionnelles, apparemment en perte d'adeptes, se sont vite fait envahir par la mycose. Une nouvelle mode. Même l'Église catholique, qu'on sait pour son orthodoxie légendaire, ne s'était pas empêché de commencer son « pentecôtisme catholique », en incluant bien sûr la Sainte Vierge Marie, les saints et bien sur l'obéissance au magistère, c'est-à-dire à la hiérarchie catholique héritée des apôtres. On parla alors du renouveau charismatique qui devait se faire conformément aux enseignements de l'Église.
Tropicalisation
Commencé aux USA, le nouveau mouvement atteignit les pays du Sud à un moment crucial où les populations étaient confrontées aux crises diverses. Les nouvelles églises devinrent de vrais refuges pour les hommes et les femmes fatigués d'espérer en un changement politique, en un devenir meilleur économique. D'ailleurs, malins, nombreux dictateurs ne s'empêchèrent pas d'en insuffler leurs services de sécurités qui les financèrent, les multiplièrent et en firent des paravents à leur campagne d'hypnotiser les masses. Ngbanda, le conseiller de Mobutu en matière de sécurité, devint pasteur et fonda des églises divers.
Ces nouvelles églises devinrent un opium devant les anciennes églises qui dérangeaient, apparemment. Les nouveaux pasteurs eurent désormais droit de cité dans les assemblées étatiques. Ils concurrencèrent mêmes les vieux loups en la matière. Ils avaient parfois préséance sur les prêtres et les pasteurs. On les appelle pasteurs, bishops, arshibishops, révérends, prophètes, apôtres, évangélistes, bergers. D'ailleurs, c'est facile de le devenir. Ils sont reconnus directement par leur look. Ils sont toujours tirés à quatre épingles. La cravate est de rigueur. Puis les clergymen chemises importées.
Un autre évangile.
D'ailleurs, ils prêchent désormais un autre évangile. L'Évangile de la prospérité. Ils promettent l'argent, l'argent facile et miraculeux. L'argent et l'or appartenant à Dieu, ils en sont les vrais dépositaires. Mais, comme rien ne naît du néant, il faudra semer. C'est-à-dire donner pour recevoir. La dîme devient une exigence sacrée. On ne sait même plus la différence entre dîme et offrande. Les dons en natures et en espèces deviennent une autre mode. L'homme de Dieu est le nouveau lévite de l'ancien testament que les adhérents doivent nourrir et vêtir. Tout est à eux et pour eux. Ils roulent carrosses, à la grande joie des adhérents qui les leurs offrent et s'en félicitent. Ils ressemblent aux vrais gourous des religions orientales.
Les médias
Mondialisation oblige, ils adorent les média. Dans nombreux pays, ils ont des chaînes de radio et de télévision où à longueur des journées, ils débitent leurs propagandes religieuses. On en trouve des faux et des vrais. Ils aiment faire le show en plusieurs langues. Ils prêchent en langues étrangères, tandis qu'un interprète traduit en langues vernaculaires. Ils guérissent. Ils chassent les démons dans les stades et dans les marchés. Ils ont du succès.
Églises de réveil !
C'est dans cette euphorie que se convertissent des sorciers, des marabouts et des anciens partisans du Satan. Surtout des hommes politiques en perte de vitesse. Ils témoignent. Ils rédigent des livres. En RDC, Sakombi Inongo, l'ancien chantre du mobutisme, crève l'abcès. Il prend la tête du mouvement. Il dénonce le satanisme dans le chef des acteurs politiques. Il fait son mea culpa. Il est accueillit par les nouvelles églises et change son nom. Il devient Frère Dominique. Un cas parmi tant d'autres. Pour se faire bonne conscience, ils s'unissent et se choisissent un nom, avec la complicité des pouvoir en place : Églises de réveil. Peut-être pour se donner bonne conscience et pour avoir droit au chapitre. Ils ont du succès. Surtout que les nouveaux pasteurs deviennent conseillers spirituels des nouveaux maîtres qui ne se sont pas empêchés d'accuser les vieilles églises de complicité avec les dictatures. Les nouveaux pasteurs deviennent aussi aumônier des garnisons militaires !
La dérive
Hélas, qui a bu boira ! Il a fallu simplement de quelques années pour remarquer que les chrétiens ainsi renouvelés se désenchantent. Que d'abus ! Que d'égarements parmi les brebis ? Les nouveaux pasteurs sont pires que les vieux missionnaires. Ils adorent souvent l'argent. Ils sont dans les femmes, filles d'autrui. Les adeptes ayant peu de marge de manœuvre dans la critique sont enfermés dans un carcan où ils ne savent plus s'en sortir. Quelques uns sortent, non sans rancœur. Ils regagnent les « Maisons mères ». Quelques vrais pasteurs des brebis tirent sur la sonnette d'alarme. Ils remettent l'évangile à sa vraie place. Ils ne sont pas nombreux et ne sont pas souvent appréciés. Leurs enseignements sont durs.
La diaspora
On croyait la mycose s'arrêter dans les pays du sud, mais la nouveauté a traversé les tropiques et est en train de conquérir les diasporas africaines à un rythme vertigineux. Les nouveaux pasteurs sont partout. Ils érigent des églises dans toutes les salles vides possibles. Ils n'ont parfois plus besoin d'une formation spéciale pour devenir berger des chrétiens. C'est Dieu et l'Esprit Saint qui choisissent. Cet Esprit Saint au sujet de qui Jésus disait à Nicodème qu'il soufflait où il voulait. Ils s'habillent en chergymen. Ils ont aussi le goût et le faible pour les belles voitures, les vestons à la mode et les chaussures aux pointures à la forme des petites pirogues. Même Salomon dans sa gloire ne s'était pas aussi habillé comme eux ! Ils aiment aussi frimer. Leurs prédications aussi tournent autour d'autres réalités : les papiers, la prospérité, le réconfort moral. Ils ont aussi l'art de séduire par des campagnes fortement médiatisées. Des séminaires, des conventions, des nuits et des veillées de jeunes et prières sont légions. Ils guérissent. Ils ont d'ailleurs importé tout le Satan et les sorciers africains en Europe. Ils les chassent et les font ligoter, à force de crier et de vociférer. Difficile d'en savoir les vrais pasteurs et les faux. Difficile de pouvoir y foutre le nez sans pouvoir se faire brûler les vaisseaux. Difficile de faire raisonner les chrétiens sans pouvoir être chassé du ciel et être envoyé à l'enfer, après avoir été maudit de perdre la terre. Il sont seuls la planche du salut. Ils ont comme nom « homme de Dieu », the man of God , anglicisme oblige. Les cassettes de leurs prédications et séminaires se vendent comme des petits pains. Les nouvelles églises créent aussi leurs orchestres. Les danses et la musique appartiennent à Dieu. Il faudra les lui rendre. Les anciens musiciens et guitaristes sont récupérés. Ils chantent Dieu. Ils adorent le Seigneur. Mais, souvent, ils changent simplement les paroles en citant souvent Jésus et les Saints du ciel. Le rythme, lui, est resté le même. On se croirait, mis à part les paroles, dans un concert de Zaiko ou de Wenge. Les « atalaku » aussi apparaissent. On fermerait les yeux à voir exhiber les pasteurs et les brebis. Pour les hommes et les femmes interdits de communier aux réjouissances culturelles de jadis, ce sont les retrouvailles. On danse « ndombolo » pour Jésus.
Signes de temps…
Lorsque vous verrez ces choses-là arriver, disent-ils, les nouveaux pasteurs, sachez que la fin est proche. Mais, ces choses-là, ce ne sont certes pas seulement les guerres et les famines et les catastrophes. Ce sont aussi cette apparition des nombreux pasteurs et des nouvelles églises. C'est tout au moins ce que dit la fameuse Bible, sans se contredire. Dès lors, la prudence n'est-elle pas de mise ? Puis, ce sont encore les écritures qui nous enseignement que si quelqu'un d'autre venait avec une autre évangile que celui enseignée et reçu, qu'il soit maudit. Or, l'Évangile que nous avons reçu n'est certes pas l'évangile de la prospérité. C'est Jésus-Christ, mort et ressuscité que nous attendons à la fin des temps. Les guérisons, les miracles, le parler en langues, est-ce le motif premier de notre religion ou est-ce une conséquence de notre foi en Dieu, par Jésus-Christ. En tout cas, la séduction est grande. Il est peut-être grand temps qu'on exerce notre discernement. Car, certains de ces nouvelles églises deviennent souvent des « chemins qui ne mènent nulle part ». Des culs de sacs. Lorsqu'on vient s'en rendre compte, on est révolté et on risque de perdre sa foi. Des exemples sont légions. Il faudra se demander aujourd'hui : églises de réveil ou églisettes de sommeil. Et se souvenir de la critique lapidaire de Karl Marx lorsqu'il dit que la religion est l'opium du peuple. Est-ce que ces églises nous aident-elle dans notre promotion vers une humanité pleine d'hommes de bonne volonté, passant partout en faisant le bien ?
Que faire ?
Impossible de pouvoir faire de la morale dessus. Mais, homme pourvu de raison, nous devons discerner. Juger l'arbre par ses fruits. Les anciennes Églises, dites « Maisons Mères » ont du pain sur las planche. Ils ont un devoir aujourd'hui d'affecter de nouveaux prêtres et vrais pasteurs dans la diaspora pour ne pas laisser les chrétiens seuls comme des brebis sans pasteurs. En effet, la barrière linguistique aidant, les chrétiens sont parfois abandonnés à eux-mêmes et doivent parfois devenir des proies faciles aux nouveaux pasteurs et aux nouvelles églises qui offrent un vrai environnement communautaire africaine. Les gens y vont, pas souvent par conviction, mais c'est peut-être la seule place pour eux d'exhiber des pas de danses made in Kinshasa, de faire défiler les derniers modèles d'habits et se retrouver. Il faudra que ces Églises s'attèlent, sinon, après des années, ils ne trouveront plus personne à faire revenir sur le droit chemin. Si la carence des prêtres oblige à ne pas les envoyer en mission pour la diaspora, peut-être qu'il faudra voir comment former des laïcs engagés, des diacres, pour paître les brebis du Seigneur.
Congo Vision
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