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INTERVIEW AVEC BABY NDOMBE

Baby Ndombe, ancien musicien de Wenge Musica Maison Mère, est présentement en séjour aux Etats-Unis pour la préparation de son album «Tour de Babel ». Nous l’avons abordé pour nos lecteurs.

Congo Vision: Baby Ndombe, vous êtes présentement aux Etats-Unis. Voudriez-vous nous dire le but de votre visite ici ?

Baby Ndombe : Premièrement, je suis venu ici pour finaliser mon album « Tour de Babel ». Les travaux de mixage de sons et de production des clips vidéo sont en cours.  Deuxièmement, je suis venu solliciter un soutien matériel, financier et moral pour une organisation non gouvernementale que j’ai créée dénommée « Watoto Kwanza », traduction en français « Les Enfants d’abord ». Ce qui m’a contraint à créer cette ONG, c’est le constat que j’avais fait lors d’une tournée dans certains quartiers de Kinshasa et à l’intérieur du pays : les enfants ne vont pas à l’école.


Congo Vision : Vous êtes venu seul. Peut-on déduire que vous évoluez maintenant en solo ?

 Baby Ndombe : Oui, j’ai un groupe au pays. Le groupe s’appelle GBB, Groupe Baby Black.

Congo Vision : Vous avez plusieurs sobriquets : « Baby Black », « Baby Bulldozer »,  « Waterloo », « Baby Ndombe »…Qui est Baby Ndombe ?

 Baby Ndombe :  Le sobriquet Bulldozer est venu de mes fanatiques de Kinshasa. Quand le groupe Wenge Musica Maison Mère avait pris la décision de m’interdire de voyager avec les autres musiciens, les fanatiques m’avaient surnommé « Bulldozer », car selon eux, j’avais le pouvoir d’écraser tous les musiciens de Wenge Musica Maison Mère. Cette décision ne m’a pas perturbé. Quant à Baby Black, c’est une simple traduction anglaise de Baby Ndombe. Ndombe en Kikongo, c’est Black en anglais.

Congo Vision : Si ce n’est pas une indiscrétion, quelle est la raison principale qui vous a fait partir de l’orchestre « Wenge Musica Maison Mère » de Werrason ?

 Baby Ndombe : Ce n’est pas à moi de vous dire la vraie raison de mon départ ; c’est aux gens qui m’ont fait partir du groupe de le faire. A ma connaissance, il y avait beaucoup de jalousie. J’étais le chef de discipline de l’orchestre. A ce titre, j’ai beaucoup travaillé pour le groupe. Le travail que j’ai pu réaliser m’a créé des problèmes. Au cours d’une conversation avec le Président du groupe, j’avais exprimé mon souhait de travailler au bureau. Dans le cadre de mes attributions, j’avais même l’autorisation de percevoir les recettes des concerts. Cela n’a pas plu à tout le monde. A partir de là, les ragots ont commencé. Des histoires invraisemblables ont vu le jour. L’orchestre a voyagé en Europe sans moi. Cela ne m’a pas dérangé. Après une tournée d’un mois en Europe, le groupe est rentré. Comme d’habitude, je me suis présenté pour la séance de répétition. On m’a présenté une lettre de suspension. La particularité de cette lettre, c’est qu’elle disait que « nous sommes ravis de vous annoncer que vous êtes suspendu » au lieu de « nous avons le regret de vous annoncer …». Mais cela ne m’a pas bouleversé. Au contraire, cela m’encourage à mieux faire.

 Congo Vision : Quels sont vos rapports avec Werrason ?

Baby Ndombe : J’aime beaucoup Werrason. Je n’ai rien contre lui. Seulement, j’ai maintenant mon propre groupe.

Congo Vision : Sur initiative de l’artiste musicien Tshala Mwana, les artistes musiciens se sont réconciliés. Ils ont pris l’option d’abandonner la polémique. Quelle est votre appréciation de cette réconciliation ?

Baby Ndombe : Je ne vois pas cela comme une vraie réconciliation.   Il se passait des choses similaires du temps du Président Mobutu. Les musiciens se retrouvaient autour de ce dernier. Mais, c’était plus pour lui soutirer de l’argent que pour toute autre chose. Les musiciens doivent s’unir et exiger au Président de la République et aux politiciens d’améliorer la situation sociale et économique du pays. Nous devons lutter comme nos confrères sud-africains l’ont fait. Si les conditions sociales sont bonnes, la polémique n’aura plus de place.  Actuellement, pouvez-vous me dire combien des Congolais peuvent acheter des CDS ? Les salaires sont très modiques.

Les musiciens peuvent produire des disques mais la population ne saura pas les acheter. Il faut que les musiciens luttent pour que le pays ait de bons dirigeants plutôt que d’aller quémander de l’argent. Moi, je ne suis pas de la partie. Aussi, les musiciens sont-ils allés voir le Chef de l’Etat parce qu’ils avaient des conflits entre eux? Moi, je n’ai de conflit avec personne. Il faut que ces musiciens luttent contre les conflits qu’ils ont.

Congo Vision : Avez-vous des musiciens préférés ?

Baby Ndombe : Il y a plusieurs musiciens qui m’ont influencés et que j’aime. Il s’agit d’abord de Tabu Ley. Je l’aime beaucoup. Au fait, j’aime tout musicien qui chante bien comme Lassa Carlito, Pepe Kale (qui m’a beaucoup conseillé quand j’ai rejoint le groupe Wenge Musica Maison Mère), Luambo Makiadi, Emeneya, et tant d’autres que je ne saurai citer.

Congo Vision : Comment peut-on expliquer la récurrence des conflits dans le milieu musical ?

Baby Ndombe :   Ce sont souvent des causes banales : jalousie, leadership, etc. C’est moi le number one ; c’est moi qui ai fait ceci avant les autres ; c’est moi qui étais avant, etc. Y-a-t-il parmi ces soi-disant leaders un seul qui ait obtenu un vrai disque d’or ? Personne. Qui a vendu plus de 100.000 disques ? Personne. Je vous le dis en vérité. Ce sont souvent des manigances avec des producteurs. Le producteur commande plus de 60.000 disques ; vous vendez 30.000 ou 40.000 disques et vous déclarez que vous avez vendu 60.000 disques ; ce qui est faut. Nous avons procédé de la même façon dans Wenge Musica Maison Mère pour avoir le disque d’or. C’est de la malhonnêteté. Et celle-ci a vraiment élu domicile chez les artistes musiciens.

Congo Vision : Parlez-nous de votre parcours musical.

Baby Ndombe : J’ai commencé ma carrière musicale très tôt. Dès le bas âge, je chantais déjà. C’était en 1981 que j’ai pris un micro pour la première fois. Papa Wemba est venu chanter dans notre quartier, et il a demandé à mon père si je pouvais exhiber quelques pas de danse. Je l’ai fait. En 1987, avec quelques amis, nous avons créé un groupe. Au sein de celui-ci, je jouais la batterie et la guitare. C’est avec ce groupe que j’ai débuté ma carrière professionnelle. Après un laps de temps, j’ai dû le quitter pour m’associer à d’autres amis pour monter le groupe ABG, Académie de Beaux Gars. Je jouais la guitare basse. Nous nous produisions souvent pendant les vacances. Nous avions livré quelques concerts notamment avec Wenge Musica et l’Empire Bakuba. C’était l’époque de la danse « Vuandila » qui était notre danse. Notre animateur Bolik l’avait créée. De 1990 à 1993, j’habitais à Limete où j’avais rejoint un autre groupe. En 1994, j’avais créé un groupe qui jouait souvent en lever de rideaux de Defao. En 1995, je suis allé à l’Université de Kinshasa. Mon père Pépé Ndombe de l’orchestre OK Jazz à l’époque, ne voulait pas me voir faire la musique. Son souhait était que je termine les études universitaires. A l’Unikin, je n’ai pas pu m’adapter au surpeuplement des salles de classes et aux difficultés de transport. Je suis allé  à l’ISC. Deux ans après, les incessantes fermetures ne m’avaient pas encouragé à continuer mes études. J’ai dû arrêter. En 1997, j’ai rejoint le groupe Wenge Musica Maison Mère. Avant de rejoindre ce groupe, je faisais le zong zing avec Kalonji Bill Clinton (ancien animateur de WMMM) dans un groupe à Bandal. 

Congo Vision : Vous avez quitté Wenge Musica Maison Mère. Apres vous, d’autres musiciens ont suivi. Il s’agit notamment de Ferre, Jus d’été, Bill Clinton. Comment appréciez-vous le nouveau groupe Wenge Musica Maison Mère avec ses nouveaux musiciens ?

Baby Ndombe : Que Werrason engage de nouveaux musiciens est une bonne chose ! Ces jeunes gens ont du boulot ; ils ont de quoi nourrir leur famille. Il n’est pas dans mes habitudes de critiquer un groupe après l’avoir quitté. J’apprécie le groupe normalement. Le travail qu’ils ont réalisé est de leur qualité. Avec le temps, je sais qu’ils feront encore mieux. C’est le premier album qu’ils viennent de réaliser ensemble. Nous aussi, nous avions débuté avec « Intervention Rapide », puis « Solola bien ». Si vous comparez « A la queue leu leu » avec « Solola bien », par exemple, la qualité n’est pas la même.

Congo Vision : Vous venez de monter un groupe. Vos anciens collègues qui ont quitté WMMM ont aussi créé leur groupe, « Les Marquis de Maison Mère ». On a l’impression que les jeunes musiciens congolais ne prennent plus le temps de mûrir leurs talents, de s’affirmer, avant de voler de leurs propres ailes.

Baby Ndombe : J’ai personnellement beaucoup réfléchi avant de créer mon groupe. Il y a deux grands musiciens qui sont toujours avec moi et à côté de moi. Il s’agit de Lutumba Simaro et de mon père Pépé  Ndombe. J’ai passé toute ma vie dans la musique. Mon père m’a élevé et a payé pour ma scolarité avec la musique. Donc, je connais la valeur de la musique. Je prends la musique au sérieux. C’est normal que les jeunes artistes pensent à créer leurs groupes. Ici aux Etats-Unis par exemple, chaque année, plusieurs nouveaux groupes naissent. Mais chez-nous, c’est rare. Pourquoi ne veut-on pas que les jeunes créent des groupes ? Quel âge avait Papa Wemba quand il avait créé son premier groupe ? Quel âge avait Tabu Ley quand il avait monté son premier groupe ? N’est-ce pas 29 ans ? J’ai aujourd’hui 29 ans. Tout musicien congolais est parti de quelque part. Pepe Kalle, Papa Wemba, Tabu Ley, Lutumba Simaro, Emeneya Kester, Pepe Ndombe, tous ont été dans d’autres groupes avant de se retrouver là où ils sont aujourd’hui. Koffi Olomide écrivait des chansons pour d’autres artistes avant de créer son groupe. C’est vous dire que l’on part toujours de quelque part. J’ai passé 6 ans au sein du groupe Wenge Musica Maison Mère, il est normal que je puisse évoluer dans mon propre groupe. Il est important que Werrason, JB Piana, etc. lancent d’autres musiciens. J’ai aussi une occasion de former d’autres musiciens. Nous devons aider à former les jeunes.

Congo Vision : Quel regard portez-vous sur la musique congolaise ?

Baby Ndombe : Notre musique a un peu baissé. Il y avait trop de polémique. Il n’y avait plus de rigueur dans le travail.  Le peuple muntu est, par définition, très fier. Plutôt que de travailler durement, nos musiciens se contentent de se vanter de vieilles gloires : « j’ai rempli Bercy », « J’ai rempli le Zénith », etc. Ils oublient qu’il y a aussi les Etats-Unis, toute l’Amérique, les  Caraïbes. Moi, Baby, je vais franchir les frontières nationales. Je serai une vedette internationale.

Congo Vision : Quels sont vos projets d’avenir ?

Baby Ndombe : Aider les enfants un jour. Créer, si possible, une école de musique à Kinshasa. Je souhaite devenir un grand producteur de la musique congolaise.

Congo Vision : Et aussi asseoir votre groupe..

Baby Ndombe : Mon groupe va s’asseoir. Il y a un proverbe qui dit : vouloir, c’est pouvoir. A Kinshasa, on me prend pour un prophète. Il y a huit ans, j’ai lancé une prophétie : « Tour de Babel, confusion de langage ».  Et comme je l’ai prophétisé, l’orchestre Wenge Musica Maison Mère s’est presque disloqué : Bill Clinton s’est retrouvé à Londres, Jus d’été à Bruxelles, Werrason à Paris et tout le monde était éparpillé à travers l’Europe et l’Afrique. Aujourd’hui, je vous apprends qu’il y a confusion partout : le Groupe Quartier Latin a des problèmes. Nouvelle Ecriture de Papa Wemba a des problèmes. Lambio est parti de ce groupe… C’est tout le monde qui se réveille maintenant. Quand on ne parle pas le même langage, il est difficile de discuter ou de travailler ensemble. Voici en substance le contenu de mon album « Tour de Babel ». Un album qui fera bouger les friands de la bonne musique.

Congo Vision : Avez-vous un message particulier à adresser à vos mélomanes ?

Baby Ndombe : Je demande aux mélomanes d’attendre mon album, de me prêter mains fortes, de soutenir mon ONG, « Watoto Kwanza ».

Propos recueillis par Sylvestre Ngoma, Congo Vision.

Juillet 2005

 

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